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RECEPTION DES TRAVAUX : Ne négligez pas cette étape fondamentale !

La réception des travaux constitue l’étape finale incontournable d’un chantier.

Pourtant, elle est bien trop souvent négligée, incomplète, voire oubliée.

Or, en droit de la construction et dans le cadre des marchés de travaux, la réception est fondamentale.

Dans l’esprit collectif, c’est à tort que la réception des travaux est imaginée comme un évènement négatif valant renonciation à des droits (beaucoup pensant que la réception ne permettra plus d'agir contre l'entreprise car les travaux ont été "acceptés").

C'est également à tort que, dans l'esprit collectif, la réception est vue comme étant à la seule initiative de l’entrepreneur.

En réalité, la réception marque la fin du chantier et vous ouvre des droits.

Vous faites exécuter des travaux, rénover ou construire votre maison ? Vous rencontrez des difficultés avec l'entreprise et vous vous interrogez sur la réception des travaux ? Faut-il réceptionner les travaux ? Comment le faire ? Peut-on provoquer la réception ?

Le point avec cet article.

LE POINT SUR LA NOTION DE RECEPTION

La loi du 4 janvier 1978, relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction, apporte une définition légale inédite de la réception des travaux. Elle se définie alors comme, « l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves » (article 1792-6 du Code civil).

La réception constitue un acte juridique unilatéral émanant du maître de l’ouvrage, c’est-à-dire la personne qui fait exécuter des travaux. Elle marque la fin du chantier.

Elle se distingue alors de la livraison, acte par lequel il prend possession de l’ouvrage, c’est-à-dire le moment où il peut en disposer et l’utiliser.

Elle est cruciale.

LES TYPES DE RECEPTION

La réception des travaux se décline sous trois formes. Si elle est généralement amiable, elle peut également être tacite ou judiciaire.

  • La réception amiable

La réception est le plus souvent amiable, en voici les modalités.

  • QUI ?

La réception amiable a lieu à l’initiative de la partie la plus diligente.

Elle concerne l’entrepreneur et le maître de l’ouvrage qui sont parties à la réception. La participation des sous-traitants n’est pas requise.

En pratique, c’est l’entrepreneur qui prendra attache avec le maître de l’ouvrage afin de fixer une date de réception.

Autrement, le maître de l’ouvrage le convoque à y procéder.

En effet, vous pouvez également demander à effectuer la réception.

 Lorsque l’entrepreneur omet cette étape et manque de vous recontacter, vous pouvez en prendre l’initiative.

  • QUAND ?

La réception de l’ouvrage aura en principe lieu lorsque les travaux seront terminés.

En effet, bien que la jurisprudence ait infléchi cette condition à l’origine très stricte, elle demeure en pratique.

De plus, la réception est en principe unique pour assurer l’harmonisation des délais de garanties.

Le maître de l’ouvrage réceptionnera l’ensemble des travaux, tous corps de métiers confondus. Ainsi, une réception, une date, pour l’ensemble du chantier.

Toutefois la jurisprudence admet des tempéraments. Il est en effet permis pour les parties de prévoir conventionnellement une réception par lots.

Puis, notamment face à une entreprise défaillante, la Cour de cassation permet la réception partielle pour certains ouvrages. Par exemple : réceptionner la maison achevée sans son garage qui ne l’est pas.

En revanche, il ne sera pas possible de réceptionner un ouvrage en cours d’exécution. 

  • COMMENT ?

Selon l’article 1792-6 du Code civil, la réception est « en tout état de cause, prononcée contradictoirement ».

De fait, l’entrepreneur devra en principe être présent à la réception des travaux. Néanmoins, la jurisprudence tolère son absence dès lors qu’il y a été dument convoqué.

La réception est donc un acte unilatéral émanant du maître de l’ouvrage, par conséquent, si elle est contradictoire, elle n’a pas à être acceptée par l’entrepreneur.

Assurément, elle doit être dépourvue de fraude.

Elle est formalisée par un écrit : le procès-verbal de réception.

Toutefois la réception amiable expresse ne sera pas toujours possible : refus de réceptionner, abandon de chantier, difficultés et procédures collectives de l’entrepreneur.

Aussi, la réception peut être tacite ou judiciaire.

  • La réception tacite

La réception tacite est une création jurisprudentielle.

Toute prise de possession ne peut constituer de facto une réception, étant à elle seule insuffisante, tout comme le seul paiement du prix.

Mais la jurisprudence a finalement considéré qu’une prise de possession de l’ouvrage, sans restriction, associée à un paiement intégral du prix par le maître de l’ouvrage, valait réception tacite.

Elle doit résulter d’une volonté non équivoque.

Dès lors, si les travaux font l’objet de contestations (de réserves), la réception tacite ne peut en principe être constatée.

De même, si les travaux ne sont pas intégralement payés.

La réception tacite sera constatée par le juge à la demande de la partie la plus diligente, il en fixera la date.

En pratique, il sera opportun de l’invoquer en cas de refus de réceptionner de la part du maître de l’ouvrage ou de la défaillance et l’abandon de chantier de l’entrepreneur. A titre d’exemple, elle a pu être constatée lorsque le maître de l’ouvrage s’est acquitté du prix et a pris possession des lieux après un abandon de chantier.

  • La réception judiciaire

Enfin, la réception sera judiciaire à défaut d'être amiable.

A l’origine, elle n’était sollicitée que par les entreprises, soucieuses de voir débuter les délais de leurs garanties, notamment en cas de refus injustifié du maître de l’ouvrage de réceptionner.

Ainsi, il fallait démontrer un refus abusif de réceptionner de la part du maître de l’ouvrage et que l’ouvrage était en état d’être reçu.

Or, selon le texte, la réception « intervient à la demande de la partie la plus diligente ». C’est dans ces conditions que la jurisprudence a finalement admis la réception judiciaire à la demande du maître de l’ouvrage.

Désormais, la jurisprudence considère que la réception judiciaire sera prononcée lorsque l’ouvrage est en état d’être reçu, c’est-à-dire « terminé » par l’entreprise.

La réception judiciaire sera prononcée et non constatée par le juge qui en appréciera les conditions et en fixera la date.

La demande peut être introduite par l’entrepreneur ou par le maître de l’ouvrage, à titre principal ou incident, lors d’un contentieux à propos des garanties ou des assurances.

Il s’agit finalement d’une acceptation forcée des travaux. En effet, la jurisprudence admet notamment que la réception judiciaire peut être sollicitée par le maître de l'ouvrage en conflits avec les entreprises ou en cas d'abandon de chantier.

La réception judiciaire peut donc s’avérer être un outil stratégique dans l’engagement des responsabilités du constructeur, à plus forte raison, lorsque celui-ci est en difficultés financières, voire en procédures collectives.

La liquidation judiciaire de l’entreprise qui a réalisé les travaux est malheureusement courante mais ne prive pas le maître de l’ouvrage de sa qualité à agir en indemnisation des dommages d’ordre décennal contre le liquidateur.

LES EFFETS DE LA RECEPTION

La réception des travaux emporte une double conséquence : le transfert de la garde de la chose et le point de départ des garanties légales.

  • Le transfert de la garde de la chose

En premier lieu, la réception emporte le transfert de la garde la chose du maître d’œuvre au maître de l’ouvrage, c’est-à-dire le transfert des risques qui pourraient intervenir.

  • Le point de départ des délais de garanties légales

L’entrepreneur est légalement tenu à trois garanties : la garantie de parfait achèvement, la garantie biennale de bon fonctionnement et la garantie décennale.

Elles sont chacune strictement enfermées dans des délais : 1, 2 et 10 ans. Cela signifie qu’à l’expiration de ces délais, l’action n’est plus possible.

La réception des travaux en constitue le point de départ. Mais surtout, elle conditionne leur mise en œuvre. En effet, à défaut de réception des travaux, sous toutes ses formes, ces garanties ne pourront être actionnées.

VOS IMPERATIFS EN TANT QUE MAÎTRE DE L’OUVRAGE
  • Etablir le procès-verbal de réception

Lorsque les travaux commandés sont achevés par l’entreprise, qu’il y ait ou non des malfaçons ou défauts, vous devez établir un procès-verbal de réception.

En effet, ce simple document conditionnera la mise en œuvre des garanties légales de l’entrepreneur auprès de son assureur.

Le procès-verbal est signé par l’ensemble des parties.

Si le procès-verbal de réception ne peut pas être régularisé, par exemple lorsque l’entrepreneur ne se présente pas, sachez que vous n’êtes pas sans recours, une procédure précise est possible via un Commissaire de justice.

  • Formuler des réserves

C’est à l’occasion de la réception que le maître de l’ouvrage pourra formuler ses éventuelles réserves, c’est-à-dire signaler à l’entrepreneur qu’il n’entend pas recevoir l’ouvrage dans les conditions proposées (défauts apparents).

Elles sont consignées dans le procès-verbal de réception.

L’entrepreneur est alors invité à lever les réserves formulées le cas échéant, c’est-à-dire, à procéder aux travaux de réparation ou de remplacement nécessaires. A défaut, il engage sa responsabilité et sera mis en demeure de s’exécuter.

En l’absence de réserves formulées au procès-verbal de réception, la garantie de parfait achèvement ne pourra être actionnée.

  • Souscrire une assurance dommages-ouvrages

Selon le Code des assurances, le maître de l’ouvrage a l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrages avant l’ouverture du chantier.

Elle aura pour rôle de préfinancer le coût des travaux de réparation des dommages relevant de la garantie décennale, soit les vices de construction et malfaçons affectant la solidité de l’ouvrage et le rendant impropre à son utilisation.

Concrètement, lorsque vous faites réaliser des travaux couverts par la garantie décennale (construction, rénovation, toiture, assainissement, plomberie, chaufferie, terrassement, …) et que des dommages apparaissent, votre assurance dommages-ouvrages prendra en charge le coût des réparations, puis, se retournera contre l’assureur décennale de l’entrepreneur.

Cette assurance pourra s’avérer d’une grande utilité et vous permettra de remédier aux dommages sans attendre la fin de la longue procédure judiciaire. Il vous faudra déclarer au préalable le sinistre auprès de votre assureur.

En définitive, il est crucial de réceptionner les travaux lorsque cela est possible.

Qu’il s’agisse de la construction de votre maison, sa rénovation ou son aménagement, de l’installation d’une piscine, d’une terrasse ou d’une extension, de la pose d’une chaudière, de la plomberie ou de la toiture : réceptionnez !

La jurisprudence est constante à ce sujet :  sans réception, pas de prise en charge assurantielle !

En d’autres termes, si vous n’avez pas procédé à la réception amiable, par la rédaction d’un procès-verbal de réception, il vous faudra démontrer une réception tacite, ou demander à prononcer la réception judiciaire.

A défaut de réception, amiable, tacite, ou judiciaire, vous ne pourrez en aucun cas prétendre à une indemnisation au titre de l’assurance décennale de l’entrepreneur.

Ainsi, ne négligez pas cette étape et n'hésitez-pas à vous faire accompagner par un professionnel en droit immobilier.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Marie BEVE, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT      

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