
Indivision et refus de vendre : comment surmonter le blocage en toute légalité ?
La propriété d’un bien à plusieurs est plus communément appelée « indivision ».
L’indivision peut résulter, non seulement, de l’achat volontaire d’un bien à plusieurs ou encore d’un bien dont plusieurs personnes héritent à la suite d’un décès.
Elle correspond à la situation dans laquelle plusieurs personnes détiennent ensemble des droits de propriété sur un même bien, sans que celui-ci soit matériellement divisé entre elles.
Le bien est appelé « bien indivis » et chaque membre de l’indivision est appelé « indivisaire ».
Chaque indivisaire possède une quote-part du bien, exprimée en pourcentage, mais aucun ne peut revendiquer une portion physique spécifique.
Par exemple, si deux indivisaires détiennent un bien à parts égales, leur quote-part est de 50 % chacun.
Chaque indivisaire a des droits (utilisation, perception des revenus) et des obligations (charges, impôts) proportionnels à sa quote-part.
En matière de vente immobilière, une question se pose : celle de savoir si tous les indivisaires doivent être d’accord pour vendre un bien indivis ?
Le point avec cet article.
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L’accord de tous les indivisaires est-il nécessaire pour vendre le bien à l’amiable à un tiers ?
Par principe, la réponse est oui.
En effet, la loi est claire. Le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne relève pas de l’exploitation normale d’un bien indivis (article 815-3 du Code Civil).
La vente d’un bien immobilier ne relève évidemment pas de son exploitation normale.
Il s’agit d’un acte de disposition à savoir un acte qui entraîne une modification substantielle du patrimoine d'une personne.
Plus précisément, il s’agit d’une aliénation du bien à savoir un acte qui vise à transférer la propriété d’un bien contre le paiement d’un prix.
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La théorie du mandat apparent peut-elle permettre de contourner l’accord des autres indivisaires ?
De manière générale, la théorie du mandat apparent permet à un tiers de bonne foi de se prévaloir d’un « mandat » lorsqu’il a légitimement cru, au regard des circonstances extérieures, que son interlocuteur (le prétendu mandataire) avait le pouvoir d’agir.
Autrement dit, cette théorie permet de valider un acte passé par une personne non autorisée à le faire, si le tiers a pu raisonnablement croire que cette personne avait les pouvoirs requis.
Ici, cette situation pourrait se produire si l’un des indivisaires venait à donner son accord (par exemple, en concluant un compromis de vente) concernant la vente du bien indivis alors même qu’il ne bénéficie pas de l’accord des autres indivisaires et n’a donc pas le « pouvoir » de vendre ce bien.
Le tiers de bonne foi pourrait tenter d’invoquer cette théorie pour obtenir la vente forcée du bien.
Pour autant, même si cela paraît envisageable, il semble que la jurisprudence n’a jamais admis cette hypothèse.
D’abord, dans un arrêt très ancien, la Cour de cassation a refusé et a précisé qu’il appartenait à la partie qui invoque l’existence d’un mandat apparent de :
- Rapporter la preuve des circonstances d’où résulterait l’apparence alléguée
- Faire état des circonstances de nature à justifier la croyance légitime qu’elle aurait eu en l’étendue des pouvoirs du mandataire.
Ensuite, les juges du fond ont pu rappeler que le mandat général d’administration donné à l’un des indivisaires couvrait uniquement la gestion courante du bien.
En conséquence, un mandat spécial et donné expressément est nécessaire pour vendre un bien indivis.
En cas d’absence de ce mandat, la vente est considérée inopposable aux autres indivisaires, à savoir, qu’ils ne sont pas tenus par cette vente et peuvent faire « comme si la vente n’avait pas eu lieu ».
Il est donc conseillé au tiers acquéreur de vérifier ou a minima d’interroger son interlocuteur sur l’étendue de ses pouvoirs relatif à la vente du bien indivis.
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Mon coindivisaire ne répond pas, peut-on considérer qu’il est d’accord ?
Par principe, la réponse est non.
En effet, le silence ne vaut pas acceptation à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières (article 1120 du Code Civil).
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Mon coindivisaire ne répond pas ou refuse de vendre le bien, que faire ?
- Premièrement, sur le fondement de l’article 815-5-1 du Code Civil, il est possible de demander l’autorisation du juge pour vendre le bien indivis.
Toutefois, cette demande est conditionnée à la détention d’au moins deux tiers des droits indivis par le ou les indivisaires demandeurs.
Autrement dit, ces derniers doivent détenir une quote-part du bien indivis supérieure ou égale à 66.67%.
Pour ce faire, le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis expriment leur intention de procéder à la vente du bien devant un notaire.
Le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires dans le délai d’un mois.
Le ou les autres indivisaires disposent alors d’un délai de trois mois à compter de la signification pour s’opposer à la vente du bien.
En cas d’opposition ou à défaut de réponse, le notaire le constate par procès-verbal.
C’est ainsi que le juge autorise la vente du bien indivis mais uniquement si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
- Deuxièmement, sur le fondement de l’article 815 du Code Civil, il est possible de demander le partage judiciaire du bien indivis.
Notamment lorsque le ou les indivisaires ne peuvent solliciter la vente du bien indivis, ces derniers peuvent demander au juge d’ordonner le partage du bien.
Concrètement, le juge ordonnera la vente aux enchères du bien mais seulement si le partage en nature est impossible.
Par exemple, le partage en nature d’une maison est impossible puisqu’elle ne peut pas être « découpée ».
- Troisièmement, il est évidemment toujours possible de chercher une solution amiable pour racheter la quote-part de l’indivisaire récalcitrant.
Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.
Article rédigé par Nathan LORGNIER, élève avocat LBA AVOCATS
Sous la direction de Me Louise BARGIBANT
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