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Contrat de franchise : le point sur les clauses de non-concurrence et de non-affiliation

La liberté d'entreprendre est un principe général ayant une valeur constitutionnelle. Elle implique le droit de créer et d'exercer librement une activité économique dans le domaine de son choix.

Néanmoins, des restrictions légales ou contractuelles peuvent limiter cette liberté. 

En matière de franchise, les principales clauses tendant à limiter la liberté d’entreprendre sont la clause de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle.

La clause de non-concurrence impose au franchisé de ne pas pratiquer une activité identique après la fin des relations contractuelles.

La clause de non-affiliation impose au franchisé après la rupture des relations contractuelles de ne pas s'affilier à un réseau concurrent.

Retour sur ces clauses, leurs conditions de validité, l’apport de la loi Macron ainsi que l’application pratique de celle-ci.

Les conditions générales de validité des clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles

La clause de non-concurrence et de non-affiliation répondent aux mêmes conditions de validité qui sont les suivantes :

  • La clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace
  • La clause doit avoir pour objet de protéger un intérêt légitime de son créancier. La protection d'un savoir-faire représente la justification traditionnelle des clauses post-contractuelles stipulées dans les contrats de franchise.
  • La clause doit être proportionnée à peine de nullité à l'objet du contrat.
  • Aucune contrepartie pécuniaire n’est requise.

Ces clauses produisent en pratique les mêmes effets, c’est à dire la restriction de la liberté d’entreprendre du débiteur de l’obligation.

Quelles sont les nouvelles conditions imposées par la loi Macron ?

La loi Macron du 6 août 2015 est venue apporter de nouvelles conditions de validité pour les clauses post-contractuelles et ce, en introduisant les articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de commerce.

L’article L. 341-2 du Code de commerce applicable à certains contrats de franchise répute non-écrite toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation du contrat de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat.

Toutefois, cet article prévoit que les clauses sont valables si elles répondent aux conditions cumulatives suivantes :

  • Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du ou des contrats qui liaient les parties ;
  • Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant a exercé son activité pendant la durée du contrat ;
  • Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
  • Elles ont une durée qui n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation du contrat.

Certes, les conditions de validité de la clause sont drastiques à l’égard du franchiseur mais la liberté d’entreprendre a une valeur constitutionnelle, donc elle doit être protégée.

L'application par les tribunaux de l’article L. 341-2 du Code de commerce

Les différents degrés de juridiction notamment la Cour d’appel et la Cour de cassation ont rendu plusieurs arrêts au visa de l’article L. 341-2 du Code de commerce.

Concernant l’application de la loi dans le temps, l'article L. 341-2 du Code de commerce s'applique aux contrats en cours à la date de promulgation de la loi et, donc, à toute clause de non-concurrence ou non-affiliation inscrite dans un contrat signé antérieurement à la loi Macron et toujours en vigueur. (CA Paris, 22 nov. 2018, no 18/06688)

De nombreux professionnels du droit ont critiqué cette décision au motif qu’elle était contraire au principe de non-rétroactivité de la loi, mais en vain.

D’autres arrêts sont venus préciser les conditions de validité de la clause et la sanction qui en découle si la clause n’est pas valide.

Les clauses de non-concurrence visant à restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale d’une société franchisée à l'échéance du contrat et dont il n'est pas établi qu'elles remplissent les conditions cumulatives de l'article L. 341-2 II du Code de commerce, doivent être réputées non écrites en application de l'article L. 341-2.  (Cour d'appel, Paris, Pôle 5, chambre 4, 3 Février 2021 – n° 19/03895).

L’arrêt précité s’applique également à la clause de non-affiliation.

En matière de territorialité de la clause, la CJUE a affirmé que la clause doit se cantonner « uniquement aux lieux à partir desquels les biens ou services contractuels sont offerts à la vente et non pas l’ensemble du territoire dans lequel les biens ou services peuvent être vendus au titre d’un contrat de franchise » (CJUE, 7/02/2013, aff. C-117/12).

Cependant, hors champ d'application du droit européen la jurisprudence française n'a jamais fait sien un critère spatial aussi strict, mais l'influence européenne est indéniable.

En effet, la Cour de cassation a précisé que « pour être valable, la limite territoriale prévue par la clause de non-concurrence qui interdit d’exercer toute activité susceptible de concurrencer l’activité du bénéficiaire doit s’apprécier au regard de la densité du réseau du bénéficiaire sur l’ensemble du territoire national et de la diversité de son activité. » (Cass. com., 20 novembre 2019, n°18-15.677)

A titre d’illustration, la Cour d’appel a affirmé que « l’interdiction d’exercer une activité d’enseignement similaire ou identique à celle exercée par le franchisé dans un rayon de 150 km se traduit en réalité par une interdiction d’exercer dans un nombre important de départements se situant à une distance de 150 km et fait apparaître le caractère disproportionné de la clause au regard de la protection des intérêts légitimes du bénéficiaire de la clause ». (CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 13 déc. 2019, n° 19/02615)

Donc si l’on se réfère à ces arrêts, plus le réseau du franchiseur est dense et plus il y aura de chance que la clause soit validée par le juge.

Dans le cas contraire, moins le réseau est dense plus le juge va considérer que la limite territoriale stipulée par la clause est disproportionnée au regard des intérêts légitimes du franchiseur.

Un arrêt récent rendu par la Cour d'appel de PARIS permet de nous interroger sur l'application des critères de la loi Macron à une clause de non-réaffiliation et à sa sanction.

Dans cet arrêt, il était question d'un franchisé d’un grand réseau national d’agences immobilières qui avait, deux jours après la fin de son contrat lequel prévoyait une clause de non-réaffiliation, rejoint un autre réseau pour exploiter dans les mêmes locaux une activité identique...

La clause de non-réaffiliation était rédigée en ces termes : " le franchisé s'interdit de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à un réseau d'agences immobilières national ou régional concurrent ou d'en créer un lui-même ou encore de représenter ou de se lier à tout groupement, organisme, association ou société concurrent du franchiseur, et ce, dans le département de la ville désignée au présent contrat'".

Le Juge des référés était alors saisi par le franchiseur sur le fondement notamment de la violation de cette clause.

La Cour a refusé de donner raison au franchiseur et de faire injonction à l’ex-franchisé de cesser son appartenance au réseau concurrent, dès lors que la clause était limitée à un département et non au local du franchisé considérant que le franchiseur ne pouvait se prévaloir d'un trouble manifestement illicite, fondé sur le non-respect de ladite clause dont la validité était fragilisée (CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 22 nov. 2018, n° 18/06688)

Cette décision laissant entendre que la sanction de la clause "réputée non-écrite" est sévère (et ne se cantonne pas par une application de la clause au seul local) est toutefois à apprécier avec prudence dans la mesure où elle est rendue par le Juge des référés, "Juge de l'Evidence" (et non par le Juge du fond)

Nous manquons encore de recul à ce jour sur l’application des dispositions issues de la loi MACRON par les tribunaux. 

En tout état de cause, il faut anticiper la sortie du contrat de franchise et ne pas hésiter à consulter un avocat afin de faire analyser la marge de manœuvre du franchisé au regard de ces clauses ...

Si vous souhaitez que Me Louise BARGIBANT analyse les clauses de votre contrat de franchise afin d'anticiper votre sortie, n'hésitez pas à la contacter.

 

Article rédigé par Marcio LOPES, stagiaire LBA Avocat

Sous la direction de Maître Louise BARGIBANT

 

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