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IMMOBILIER : vendeurs, vous êtes tenus par la première offre au prix ?

Dans le cadre de la mise en vente d’un bien immobilier, il y a des règles à respecter.

Ces règles commencent avant même la signature du compromis de vente et dès l’émission de l’offre de vente du vendeur.

Certaines questions se posent dans le cadre de l’étape préalable d’offre de vente du bien immobilier émise par le vendeur notamment lorsqu’il s’agit d’une « offre au public » par exemple par l’intermédiaire d’un site de mise en ligne d’annonces tel leboncoin.

Vendeur, vous avez mis en vente votre bien immobilier à un prix fixé et vous avez reçu plusieurs offres au prix ainsi que des offres plus élevées que le prix fixé dans votre annonce : que pouvez-vous faire ? Est-il possible de pousser à la « surenchère » ? Pouvez-vous refuser la première offre au prix ?

Acheteur, vous êtes le premier à avoir fait une offre au prix de vente. Etes-vous légalement celui qui doit signer la vente ? Le vendeur est-il en droit de vous opposer qu’il a reçu une offre supérieure au prix pour vous refuser la vente ?

L’objet de cet article est de vous rappeler les principes en matière de vente immobilière.

Rencontre des volontés : l’offre au prix demandé forme en principe la vente 

En matière de vente, le Code civil nous précise que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. » (article 1583 du Code civil).

Ainsi, ce qui va former la vente et notamment en matière immobilière, c’est la rencontre des volontés à travers le consentement sur la chose et le prix.

Plus concrètement en vente immobilière, le consentement va supposer la rencontre d'une offre et d'une acceptation :

  • l'offre de vente est l'acte par lequel une personne se déclare prête à vendre un bien à des conditions déterminées. Elle doit être suffisamment précise et renfermer les éléments essentiels du contrat projeté, mais également ferme, c'est à dire manifestant la volonté d'être lié en cas d'acceptation. 
  • l’acceptation est quant à elle la manifestation de la volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre (on parle souvent d’ « offre au prix » de l’acquéreur alors que juridiquement il s’agit plus d’une « acceptation » d’une offre de vente). 

Lorsque les termes de l'offre coïncident exactement avec ceux de l'acceptation, il y a rencontre des volontés : échange des consentements nécessaire à la formation du contrat.

Ainsi, lorsque l'offre s'exprime par une proposition suffisamment ferme et précise, son acceptation lie contractuellement l'émetteur de l'offre et son destinataire.

A titre d’illustration, lorsqu’une offre ferme et précise est faite « au public » et qu’une acceptation des conditions déterminées fixée dans l’offre (par un courrier portant proposition d’achat au prix de vente adressée au vendeur) est formulée) : il y a rencontre des volontés et ainsi formation du contrat de vente.

En résumé, l’« offre au prix demandé » forme en principe la vente (acceptation d'une offre de vente antérieurement formulée par le propriétaire) et dès lors que l'acceptation concorde avec l'offre, la rencontre des volontés rend en principe le contrat parfait.

A noter toutefois que l'offre et l'acceptation doivent satisfaire à certaines conditions pour engager leur auteur.  

Pour qu'une proposition de contracter constitue une offre susceptible d'engager son auteur, elle doit contenir les éléments essentiels du contrat envisagé.

A l'offre doit correspondre une acceptation portant sur les éléments essentiels du contrat projeté et ne contenant aucun élément de contre-proposition, lequel disqualifierait alors immédiatement l'acceptation en offre. Il est nécessaire que ces deux éléments du consentement se rencontrent et correspondent exactement.

À défaut, la proposition s'analyse en une simple invitation à entrer en pourparlers et n'est pas susceptible d'emporter la formation du contrat par sa seule acceptation par le destinataire.
 
NB : Et quid de la condition suspensive de prêt ?
Attention, il peut y avoir une difficulté si l'offre du vendeur est bien ferme et précise mais qu'elle ne comporte pas d'indication sur les modalités de financement.
En effet, si l'acquéreur a besoin d'un prêt pour financer son acquisition, ce dernier bénéficiera lors de la signature de l'avant-contrat d'une condition suspensive de l'obtention du prêt.
Le risque est qu'un acquéreur n'ait pas évoqué son recours à un prêt lors de son acceptation (de son offre au prix) et choisisse au moment de la signature de l'avant-contrat de recourir à un prêt : il en aura le droit, car, le plus souvent, il n'y a pas renoncé au moment de l'offre dans les formes prescrites.
Si le vendeur refuse finalement l'opération, il risque un contentieux avec l'acquéreur si l'opération entre dans le champ d'application du dispositif d'ordre public de protection de l'acquéreur emprunteur en raison de la qualité de l'acquéreur et de la nature de l'immeuble. En effet, ce dernier peut se prévaloir de la formation de la vente et invoquer le fait qu'une vente est toujours formée sous la condition suspensive de prêt sauf renonciation de sa main.

Premier arrivé, premier servi !

L'acceptation sans réserve d'une offre non révoquée ni caduque forme le contrat.

L'article 1121 du Code civil prévoit à ce titre que le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant.

A noter que cette acceptation peut résulter de l'envoi par l'acheteur d'un mail au vendeur.

En cas de pluralité d'offres et d'acceptations, c'est donc l'antériorité de la réception de la première acceptation qui permet de départager les concurrents.

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que « l'offre faite au public lie le pollicitant [l'offrant] à l'égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l'offre faite à une personne déterminée » (Civ. 3e, 28 nov. 1968, JCP 1969. II. 15797 ; Civ. 3e, 1er juill. 1998, n° 96-20.605).

Ainsi, lorsque le vendeur a reçu plusieurs offres au prix, ce sera la règle du « premier arrivé, premier servi » qui s’appliquera c’est-à-dire que celui qui a formulé la première acceptation au prix sera en principe l’acquéreur du bien immobilier.

L’acheteur qui saura prouver que son acceptation de l’offre est la première arrivée (au prix et conditions de l’offre) pourra même solliciter la réalisation forcée de la vente.

 

Réalisation forcée de la vente

L’acquéreur qui dispose de preuves d’une offre de vente et de son acceptation coïncidant exactement avec l’offre du vendeur pourra en principe demander en Justice la réalisation forcée de la vente.

En effet, l’acceptation de l'offre a figé la relation contractuelle entre les parties et on peut considérer que le contrat est formé.

Ainsi, si le vendeur se refuse finalement a réaliser la vente, il sera, sous conditions, possible pour l’acquéreur d’en solliciter la réalisation forcée (vente forcée en Justice).

Il convient de savoir qu'il s'agit d'une procédure longue et contraignante imposant notamment la publicité foncière au fichier immobilier du ressort de l'immeuble d'une telle demande en Justice.

 

Attention toutefois à la jurisprudence stricte considérant la vente d’un bien immobilier comme une « opération complexe »

Il faut toutefois noter que la jurisprudence est de plus en plus stricte et a tendance à considérer la vente d’un bien immobilier comme une « opération complexe », voyant ainsi souvent dans une offre faite au public non précise (notamment sans l’adresse précise du bien) une simple « invitation à entrer en pourparlers ».

Elle a pu juger que l'annonce (notamment sur leboncoin ou PAP.FR) n'est qu'une "invitation à entrer en pourparlers" ne permettant pas de faire application des principes susvisés :

"Mais considérant que si l'offre faite au public lie le pollicitant à l'égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l'offre faite à personne déterminée, il en est différemment en matière de vente d'un bien immobilier s'agissant d'une opération complexe ; qu'en cette matière, une offre au public est par nature large et ouverte afin de permettre à de futurs contractants de discuter du contenu du contrat, et s'analyse par conséquent comme une invitation à entrer en pourparlers ; qu'en l'espèce l'offre faite au public par M Bruno Y... ayant pour objet la vente d'un bien immobilier, cette offre s'analyse ainsi en une invitation à entrer en pourparlers ; qu'il s'en déduit que la prétendue acceptation par Mme X... suite à cette annonce n'est pas suffisante pour former un contrat de vente ayant pour objet le bien immobilier litigieux entre les parties" (Cour d'appel de Paris 3 juillet 2014, 13/08543).

En clair, si l'offre n'est pas considérée comme suffisamment ferme et précise, le Juge va considérer qu'il n'y a pas de formalisation de contrat par son acceptation mais seulement "invitation à entrer en pourparlers".

D'ailleurs, la réforme du droit des obligations a consacré cette solution avec l'article 1114 du Code civil selon lequel :

" L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation."

Attention également à la différence de solution en présence d'un agent immobilier

Attention, si l'offre "au prix demandé" forme en théorie la vente pour les opérations mettant en prise directement le propriétaire vendeur et l'acquéreur, la solution n'est pas nécessairement la même en présence d'un agent immobilier et va dépendre notamment de la nature du mandat.

La jurisprudence a en effet pu préciser qu’une offre au prix demandé, faite à l’agent immobilier est impuissante à former la vente et à obliger le propriétaire à régulariser la vente. Le vendeur a la possibilité de ne pas agréer l’offre qui lui est faite, alors même qu’elle correspondrait au prix annoncé.

En effet et pour rappel, le mandat de vente ne constitue pas une « offre de vente  » dès lors qu’il n’emporte pas le pouvoir de conclure l’acte définitif au nom et pour le compte du mandant.

L’agent n’ayant (en principe) pas le pouvoir de vendre, il n’a pas davantage celui de formuler une offre dont l’acceptation formerait la vente, sauf à être en présence d’un réel « mandat pour vendre  » (mandat avec une clause très précise).

En tout état de cause, que vous soyez vendeur ou acquéreur, n’hésitez pas à vous faire conseiller par un avocat afin de savoir si la vente peut être considérée comme « parfaite » et partant, si une procédure en réalisation forcée de la vente peut avoir des chances (ou pas) d’aboutir.

N'hésitez-pas également à faire analyser le mandat de vente le cas échéant donné à une agence immobilière afin de connaître précisément vos engagements en cas d'offre aux conditions du mandat. A ce titre, faites attention à la clause pénale inscrite dans le mandat de vente : retrouvez mon article à ce sujet "Mandat de vente : attention à la clause pénale".

Vous avez des interrogations en lien avec mon article ou vous souhaitez que je vous conseille ou vous assiste dans un dossier : vous pouvez me contacter.

 

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