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Mandat de vente : attention à la clause pénale !

Les litiges sont fréquents entre agent immobilier et vendeur ayant confié mandat de vente à un agent immobilier.

En effet, il arrive souvent qu’une personne signe un mandat de vente auprès d’une agence immobilière et concrétise finalement la vente sans l’intermédiaire de cette agence immobilière soit en passant directement avec l’acquéreur présenté par l’agence soit en passant par une autre agence immobilière.

Dans cette situation, l’agent immobilier « évincé » peut-il prétendre à rémunération ?

Le « mandant » s’expose-t-il à des risques d’action judiciaire lorsqu’il « court-circuite » l’agence immobilière à laquelle il avait confié mandat de vente ?

Le droit à rémunération de l'agent immobilier est subordonné au respect des dispositions de la loi Hoguet et de ses décrets d'application.

L’objet de cet article est de rappeler les grands principes en la matière.

Le principe : pas de commission sans vente !

Des conditions strictes sont exigées pour que l’agent immobilier puisse effectivement prétendre au versement de sa commission.

A ce titre, le principe est que l’agent immobilier ne peut prétendre à ses honoraires que si l'opération a été menée à bonne fin par ses soins et qu’en cas de concours d’agences immobilières, lorsque le vendeur a confié des mandats non exclusifs à plusieurs agents immobiliers, seul celui par l'entremise duquel l'opération a été définitivement conclue a droit aux honoraires, même si l'acquéreur a été précédemment présenté au vendeur par un autre agent immobilier.

En clair, un agent immobilier est en droit d'obtenir paiement de ses honoraires dès lors que l'opération a été définitivement conclue.

A contrario, l'agent immobilier ne peut prétendre à ses honoraires que si l'opération a été menée à bonne fin par ses soins (Cass. 1e civ. 21-7-1970 : Bull. civ. I n° 243).

La jurisprudence le rappelle régulièrement : aucune somme d'argent ou rémunération quelconque n'est due avant que l'opération recherchée effectivement conclue ait été constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties (Cass. 1e civ. 16-11-2016 n° 15-22.010).

Dans le cas où l’opération n’a pas été conclue via l’agence immobilière, l'agent évincé peut seulement obtenir des dommages-intérêts à condition qu’'il prouve la faute du vendeur qui l'aurait privé de la réalisation de la vente ou encore qu’il prouve la collusion frauduleuse entre le vendeur et l'acquéreur (Cass. 1e civ. 8-4-2010 n° 09-14.597 : Bull. civ. I n° 84,  BPIM 3/10 n° 265 ; Cass. 3e civ. 16-10-2013 n° 12-23.383 :  BPIM 6/13 inf. 438).

A ce titre, il n'y a pas de faute à négocier par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier à des conditions différentes.

Ainsi, lorsque le vendeur qui a connu l'acquéreur grâce à une première agence poursuit les négociations avec le même acquéreur par l'entremise d'une seconde agence qui a accepté de baisser sa commission (Cass. 3e civ. 16-10-2013 n° 12-23.383 et 12-24.141 :  BPIM 6/13 inf. 438), il n’est pas en faute.

Egalement, n'est pas fautif le fait, pour l'acquéreur non lié contractuellement à l'agent immobilier par l'intermédiaire duquel il a visité le bien, d'adresser une nouvelle offre d'achat aux vendeurs par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier également mandaté par ces derniers (Cass. 1e civ. 6-4-2016 n° 15-14.631).

En clair, la clause qui interdit au mandant de traiter directement avec un acquéreur présenté par le mandataire ne lui interdit donc pas de traiter, à des conditions différentes, par l'intermédiaire d'une autre agence qui parvient à faire baisser le prix de vente et accepte de diminuer le montant de sa commission.

En conséquence et en principe, le vendeur n’est pas en faute et ne devra rien à l’agent immobilier si l’opération ne s’est finalement pas conclue avec l’agence immobilière titulaire du mandat de vente.

Néanmoins, il existe une exception à ce principe.

L’exception : la présence d’une clause pénale ou d’une clause d’exclusivité dans le mandat de vente

Le principe en vertu duquel l'agent immobilier doit avoir contribué à l'opération pour avoir droit à rémunération n'est pas un principe d'ordre public (ce qui signifie qu’une clause du mandat peut déroger à ce principe).

Le mandat de vente peut par exemple prévoir que l'agent immobilier aura droit à ses honoraires même si l'opération s'est réalisée sans son intermédiaire.

Il s’agit dans ce cas de figure de la présence d’une « clause pénale » ou d’une « clause d’exclusivité » au mandat de vente.

Une clause pénale est dans un contrat, une clause par laquelle le débiteur, s’il manque à son engagement ou l’exécute avec retard, devra verser au créancier une somme d’argent dont le montant, fixé à l’avance, est indépendant du préjudice causé.

A titre d’illustration, la clause pénale peut être la suivante : « Pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements, ainsi que dans les 18 mois suivant l’expiration ou la résiliation de celui-ci, le mandant s’interdit de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire avec un acheteur à qui le bien aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué. A défaut de respecter cette clause, le mandataire aurait droit à une indemnité forfaitaire, à la charge du mandant, dont le montant serait égal à celui de la rémunération toutes taxes comprises du mandataire prévue au présent mandat ».

Il convient donc pour le vendeur de prendre la mesure d’une telle clause avant de signer un mandat de vente.

Lorsque le mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause doit recevoir application dans des conditions fixées par le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (L. no 70-9, 2 janv. 1970, art. 6, I, al. 4) et doit respecter les conditions dégagées par la jurisprudence.

Dans le cas où le mandat de vente a été signé et que le « mandant » (le vendeur) est finalement passé par une autre agence immobilière ou est passé directement avec l’acquéreur, il s’expose à l’application de cette clause et donc à devoir régler une indemnité à l’agent immobilier évincé.

Néanmoins, pour être valable, la clause pénale doit respecter des conditions strictes.

Une mention expresse du mandat et une clause pénale figurant en caractères très apparents

Elle doit tout d’abord résulter d'une mention expresse du mandat.

Egalement, la clause pénale doit figurer en caractères très apparents dans le mandat de l'agent immobilier (Cass. 1e civ. 17-1-2018 n° 16-26.099 F-D, A. c/ Sté Square habitat nord de France BPIM 2/18 Inf. 166).

Il peut s’agir d’une clause pénale stipulée en majuscules et en gras par exemple.

Une clause stipulée dans des termes clairs et précis

De plus, la clause pénale doit être stipulée dans des termes clairs et précis et circonscrire exactement les événements et circonstances autorisant sa mise en œuvre conformément à la jurisprudence constante en la matière.

En effet, la clause pénale doit être interprétée strictement, ce qui signifie qu’il n’y a pas à interpréter la clause pénale au-delà de ce qu’elle prévoit littéralement.

Elle doit donc être claire et précise pour pouvoir trouver application.

Une clause limitée raisonnablement dans sa durée

Par ailleurs, la clause pénale doit être limitée « raisonnablement » dans sa durée.

En effet, la commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des mandats les clauses ayant pour objet ou pour effet d'interdire au mandant, sous peine d'une indemnité, de traiter sans le concours du mandataire, directement ou indirectement, avec un acquéreur ayant été présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, sans que le mandat limite raisonnablement la durée de cette interdiction (Recommandation CCA 2003-02 du 18-9-2003 : BOCCRF du 12-3-2004).

A ce titre, la clause interdisant de traiter directement avec un client présenté par l'agent immobilier pendant la durée du mandat et dans les 24 mois suivant son expiration a été jugée légale par la Cour de cassation (Cass. 1e civ. 2-10-2007 n° 06-14.238 :  BRDA 22/07 inf. 27).

Un montant indemnitaire plafonné aux honoraires du mandat pour la vente

Enfin et en tout état de cause, la clause pénale ne doit pas prévoir le paiement d’une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l'opération à réaliser.

En effet, le décret n° 2015-724 du 24 juin 2015 plafonne la somme due par le mandant en application de la clause pénale. Ce montant ne peut excéder celui des honoraires stipulés dans le mandat.

Si l’ensemble de ces conditions sont remplies, le vendeur s’expose au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue à la clause pénale s’il ne passe finalement par l’agence immobilière titulaire du mandat de vente pour la vente de son bien.

En tout état de cause, n'hésitez-pas à faire vérifier le mandat confié à un agent immobilier.

Je me tiens à votre disposition pour analyser un tel mandat et vous conseiller dans un litige relatif à la commission ou clause pénale réclamée par l'agent immobilier.

Vous pouvez me contacter.

 

 

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