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IMMOBILIER : Que faire en cas d'empiètement ?

Le droit de propriété est « inviolable et sacré » selon la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Il accorde à son titulaire un véritable monopole sur son bien.

Aussi, le droit protège la propriété contre les atteintes dont elle peut faire l’objet. Elles sont multiples dans les relations de voisinage : troubles et nuisances, litiges à propos d’une servitude ou d’un droit de passage, ou encore empiétement.

Au sujet de ce dernier, il est prévu que le propriétaire n’a pas à tolérer que son voisin construise, plante, ou déborde sur sa propriété.

Mais alors, dans pareils cas, quels recours pour le propriétaire du fond empiété ?

En pratique, dans quelles hypothèses rencontre-t-on l’empiétement ?

Concrètement, qu’est-il possible d’obtenir, simple indemnisation ou totale destruction ?

Le point avec cet article.

QU’EST-CE QUE L’EMPIETEMENT ?
  • Définition de l’empiétement

Le caractère exclusif et absolu du droit de propriété rend légitime tout propriétaire à s’opposer à ce que quiconque empiète sur son fond.

Toutefois, l’empiétement n’est pas clairement défini dans les textes. De manière très large, il s’entend du fait pour un voisin de déborder sur le fond contigu au sien.

Juridiquement, il s’agit d’une emprise matérielle par l’auteur de l’empiétement sur la propriété d’autrui et donc d’une occupation sans droit ni titre et d’une privation pour le propriétaire du fond empiété de certaines de ses prérogatives.

A noter : l’empiétement se distingue de l’accession, c’est-à-dire le fait de devenir propriétaire des plantations, constructions et ouvrages qui ont été faits (en totalité) sur notre terrain par un tiers (article 555 du Code civil). Alors que l’empiètement est constitué d’une construction ou d’un ouvrage réalisé en partie seulement sur le fond d’autrui. De fait, le mécanisme de l’accession ne joue pas en matière d’empiétement.

  • Domaine de l’empiétement

Selon un adage bien connu, « celui qui a le sol en a la propriété jusqu'au ciel et jusqu'aux enfers ». En effet, l’article 552 du Code civil prévoit que, « la propriété du sol emporte propriété du dessus et du dessous ».

Ainsi, le propriétaire d’un fond est présumé être propriétaire de l’espace aérien, de la surface et du sous-sol de son fond.

Par conséquent, il existe plusieurs types d’empiètement : en surface, en surplomb ou en sous-sol.

  • L’empiétement en surface, ou empiétement terrestre

Tout d’abord, l’empiétement peut être de surface. Il s’agit en pratique de la situation d’empiétement la plus courante. Le propriétaire voisin décide d’ériger un ouvrage qui va déborder sur le fond voisin et dépasser la ligne séparative des fonds.

A noter – empiétement et mitoyenneté : la mitoyenneté est prévue à l’article 663 du Code civil. Concrètement, il s’agit d’un accord entre les propriétaires de deux fonds contigus d’ériger, à frais communs, un mur de séparation de leurs sols. Cet ouvrage sera la propriété indivise des voisins, ils participeront ensemble à son entretien.

Toutefois, le régime du mur mitoyen ne peut s’appliquer qu’à celui bâti au moment de la construction des deux propriétés ou de l’une d’elle. Lorsque la construction intervient après, et de surcroit, sans recueillir l’approbation du propriétaire voisin, il s’agira d’un empiétement. 

  • L’empiétement aérien, ou empiétement de surplomb

Ensuite, l’empiétement peut également être aérien. Il est constitué lorsqu’un ouvrage vient surplomber la propriété d’autrui.

A noter – servitude de surplomb et empiétement : Si par principe servitude et empiétement sont incompatibles, la jurisprudence a pourtant admis que l’empiétement aérien d’une corniche ou encore le débordement d’une toiture pouvaient faire l’objet d’une servitude de surplomb. Par conséquent, il n’y a pu lieu à considérer l’empiétement. (pour en savoir plus sur les servitudes, vous pouvez retrouver notre article : "SERVITUDE CONVENTIONNELLE : Comment la faire supprimer ?")

  • L’empiétement du sous-sol, ou empiétement souterrain

Enfin, l’empiétement peut être souterrain, il est caractérisé par un ouvrage qui dépasse la ligne séparative des fonds, étendue au sous-sol.

Il peut être plus complexe à prouver.

Concrètement, constitue un empiétement selon la jurisprudence :

  • Mur, bâtiment, cabanon, arbre et plantations, routes et chemins (empiétement de surface),
  • Balcon, terrasse, corniche et pignon, éléments de toiture, branches d’arbres qui s’étendent au-dessus de la propriété voisine (empiétement de surplomb),
  • Cave, garage, parking souterrain, activité d’extraction industrielle (empiétement du sous-sol).
  • La preuve de l’empiétement

Afin de démontrer l’empiétement, il faudra le matérialiser.

Aussi, le propriétaire dispose de plusieurs moyens d’identification des limites de son fond.

En pratique la preuve est apportée à l’aide d’un faisceau d’indices constitué par les documents d’arpentage et plans de division des lieux, le cadastre, qui n’a qu’une valeur indicative, le bornage amiable ou judiciaire qui permettra de fixer la ligne séparative entre les deux fonds. Il est réalisé par un géomètre expert (à ce titre, découvrez la nuance entre relevé cadastral et procès-verbal de bornage dans notre article : "IMMOBILIER : cadastre, bornage, quelles différences ?")

La présence d’une clôture, qu’elle soit murale ou végétale, permettra également de supposer la limite des fonds.

Une fois que la frontière entre les fonds est connue, il sera opportun de faire constater l’empiétement par un commissaire de justice.

QUE FAIRE EN CAS D’EMPIETEMENT ?

En cas d’empiétement, le propriétaire du fond empiété possède un droit absolu à en solliciter la suppression, quel qu’il soit, et ce, sans avoir à justifier d’un préjudice, d’une gêne.

En effet, selon l’article 545 du Code civil, « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. ».

Ce droit accède à l’imprescriptibilité inhérente au droit de propriété (article 2227 du Code civil).

Le propriétaire du fond empiété peut d’une part décider d’admettre la construction sur son terrain, ou d’autre part de requérir sa démolition.

Deux approches peuvent être envisagées : la tentative amiable et l’action en justice.

  • La tentative amiable

La solution la plus simple est de discuter avec le voisin responsable de l’empiétement afin de convenir d’un cadre amiable à la cessation de l’atteinte à votre propriété.

En effet, l’empiètement peut être involontaire et dû à une erreur, du cadastre ou du constructeur. Il est parfois révélé à son auteur de manière fortuite, au hasard d’un bornage ou d’une vente.

A ce titre, vous pouvez vous faire assister par un professionnel du droit dans le cadre de l’élaboration d’un protocole d’accord ou par un conciliateur de justice afin de faire homologuer par le juge l’accord établit.

En cas de refus, d’absence de réponse claire ou de défaut de retour, il sera opportun de vous faire assister d'un Avocat pour établir les leviers envisageables pour faire cesser l’empiétement.

  • Les actions en justice

Dans certains cas, la voie judiciaire devra être privilégiée.

Le propriétaire du fond empiété sera fondé à introduire une action pétitoire qui tend à faire cesser l’atteinte subie sur son fond.

Cette action devra être intentée par devant le Tribunal Judiciaire du lieu du fond empiété.

Si l'empiétement est constaté, le juge ordonnera les sanctions ci-après détaillées.

A l’inverse, lorsque vous possédez utilement un bien (une portion de terrain par exemple) depuis plus de 30 ans, vous pouvez opposer au propriétaire votre usucapion (prescription acquisitive, vous pouvez consulter notre article à ce sujet : "L'usucapion ou comment acquérir un bien par l'écoulement du temps ?").

QUELLE SANCTION ?

En ce qui concerne les plantations et arbres, l’article 673 du Code civil prévoit que, « Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ».

En revanche, pour les ouvrages et constructions objet d’un empiétement, les textes restent muets. Le droit positif est assez sévère.

En effet, la Cour de cassation, en dépit de quelques infléchissements sur le fondement de la proportionnalité, a tendance à maintenir sa sanction en cas d’empiétement : la destruction de l’ouvrage, et ce, même pour un empiétement minime (jurisprudence initiale : 

A ce titre, la jurisprudence réaffirme l’absence d’abus pour toutes actions en demande de démolition de l’ouvrage sur le fondement de l’empiétement, quel qu’il soit et peu importe l’importance de l’empiétement.

Par conséquent, le juge ne peut en principe se borner à accorder des dommages et intérêts au propriétaire du fond empiété, sauf si celui-ci le demande.

De leurs côtés, les juges du fond semblent plus souples et plus enclin à statuer en équité, par exemple, un rabotage du mur qui empiétait sur le fond voisin sera généralement privilégié plutôt que sa destruction.

Par ailleurs, les juges peuvent décider, selon le contexte, de faire supporter le coût des travaux de réhabilitation de la zone empiétée par l’auteur de l’atteinte ou encore d’indemniser un préjudice de jouissance subi par les propriétaires du fond empiété.

In fine, les sanctions en cas d’empiétement vont varier selon le type d’empiétement et sa gravité.

En tout état de cause, un Avocat en droit immobilier pourra vous conseiller sur la preuve de l’empiétement, sur les possibilités d’action en engageant des démarches amiables ou le cas échéant judiciaires.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Marie BEVE, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT      

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