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CCMI : le point sur les "travaux réservés"

Concevoir son propre logement de A à Z constitue pour de nombreux propriétaires l’accomplissement d’un projet de vie.

Pour y parvenir, le contrat de construction de maisons individuelles (CCMI) vous offre facilité et sérénité.

Le régime de ce contrat fait l’objet de nombreuses spécificités : garanties, fixation du prix, conditions suspensives, …

La force du CCMI est de garantir un prix forfaitaire pour ce projet clés en mains.

Toutefois, il vous sera tout de même possible de vous réserver des travaux.

Cette notion de "travaux réservés" pourtant  se rencontre souvent en pratique.

Nous vous proposons de faire le point sur les travaux réservés en CCMI et sur les écueils à éviter avec cet article.

LE POINT SUR LE CCMI, UN CONTRAT PROTECTEUR
  • Définition du CCMI

Le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) est l’un des contrats de construction auquel il est possible de recourir lorsque vous souhaitez faire construire votre maison.

A la différence du contrat de vente en l’état futur d’achèvement, vous êtes déjà propriétaires du terrain et vous souhaitez y faire édifier votre logement.

Il en existe deux types : avec fourniture de plan et sans fourniture de plan.

Le CCMI constitue un cadre contractuel très protecteur du consommateur et offre des avantages et des garanties essentielles. Son régime est d’ordre public, c’est-à-dire que les parties ne peuvent y déroger (voir notre article à ce sujet : "Le rôle protecteur du CCMI").

Le CCMI est un contrat conclu entre deux parties : le constructeur et le maître de l’ouvrage.

  • Le constructeur, dit le « CMiste»

Le constructeur de maisons individuelles, dit le « CMiste » est le maître d’œuvre.

Il va avoir la charge de diriger le chantier de votre maison, tant dans sa conception que dans sa réalisation. 

Il est votre unique interlocuteur, y compris s’il fait appel à des entreprises sous-traitantes.

Il a l’obligation d’être titulaire de plusieurs garanties (garantie de livraison, garantie de remboursement, garantie de sa responsabilité professionnelle et décennale).

Il doit s’assurer de la réalisation des travaux conformément aux plans convenus et à la législation en vigueur.

Enfin, il s’engage aux termes du contrat à livrer la construction dans le délai imparti et au prix forfaitaire convenu au contrat.

  • Le maître de l’ouvrage

Le propriétaire d’un terrain qui souhaite le faire construire est qualifié de maître de l’ouvrage. Il s’agit de la personne qui va commander les travaux auprès du maître d’œuvre, le constructeur.

Dans le cas du CCMI, un particulier qui souhaite faire édifier une maison individuelle à usage d’habitation sur son terrain revêt la qualité de maître de l’ouvrage.

A ce titre, il a plusieurs obligations.

Tout d’abord, le maître de l’ouvrage doit s’acquitter du prix. A ce titre, le CCMI lui assure une précieuse sérénité.

En effet, le prix doit être prévu et déterminé dans le contrat. Aussi, il est forfaitaire, et englobe l’ensemble du coût des travaux. Ainsi, vous êtes à l’abris de toutes mauvaises surprises.

De plus, aucun versement ne peut avoir lieu avant la conclusion du contrat, pas « d’acomptes » et le paiement est échelonné en fonction de l’avancement des travaux.

Ensuite, le maître de l’ouvrage a l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrages avant le début des travaux.

Enfin, il a l’interdiction de s’immiscer dans la direction du chantier. En effet, le seul responsable des travaux est le constructeur.

L’interdiction d’immixtion est capitale pour le bon déroulé du chantier, mais surtout, elle conditionne l’engagement de la responsabilité du constructeur.

L’article 1792 du Code civil prévoit notamment que le constructeur sera exonéré de sa responsabilité décennale lorsqu’il prouve que les dommages « proviennent d’une cause étrangère ».

A ce titre, la jurisprudence est constante, l’immixtion fautive dans la direction du chantier du maître de l’ouvrage qui a des compétences dans le domaine est susceptible d’exonérer le constructeur de sa responsabilité en cas de dommages.

Mais alors, le maître de l’ouvrage peut-il lui-même réaliser des travaux ?

Si le maître de l’ouvrage a interdiction de s’immiscer dans la direction du chantier, la loi l’autorise à réaliser certains ouvrages qui sont en principe inclus dans les prérogatives du constructeur : les travaux réservés.

LES TRAVAUX RESERVES

En application des dispositions de l’article L231-2 d) du Code de la construction et de l’habitation, le maître de l’ouvrage va pouvoir « se réserver » l’exécution de certains travaux en lieu et place du constructeur. Cela aura pour avantage de faire baisser le prix de la construction.

Les travaux concernés sont généralement de trois types :

  • Les travaux préparatoires au chantier : évacuation et nivellement des terres, chemin d’accès au chantier, étude d’assainissement et implantation de la maison,
  • Les travaux décoratifs et d’ameublement : revêtement des sols et des murs, peinture, équipements de la cuisine et de la salle de bains, décoration,
  • Les travaux de raccordements de l'immeuble: en eau, gaz, électricité, téléphone et leurs démarches administratives.

Toutefois, il convient d’être vigilent. Les travaux réservés relèvent d’une réglementation particulière et peuvent parfois s’avérer moins avantageux que ce que le maître de l’ouvrage espérait.

UN REGIME ENCADRE
  • Un prix déterminé

Tout d’abord, le CCMI doit comporter le prix total et déterminé de la construction.

Le Code de la construction et de l’habitation prévoit donc que, lorsque le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution de travaux, le prix convenu doit distinguer le coût des travaux réalisés par le constructeur de ceux qui sont réservés au maître de l’ouvrage.

Ainsi, les travaux réservés doivent être décrits et chiffrés avec précision dans le contrat et également dans sa notice descriptive.

  • Une notice descriptive obligatoire

Ensuite, le constructeur de maison individuelle doit annexer au contrat une notice descriptive respectant un formalisme strict.

La notice mentionne les travaux de construction et d’équipements intérieurs et extérieurs indispensables à la réalisation et à l’utilisation de l’ouvrage.

En effet, elle comporte 5 colonnes :

  • La désignation des ouvrages et fournitures (colonne 1)
  • Les indications relatives à la colonne 1 (colonne 2)
  • Mention relative au fait que les ouvrages ou fournitures mentionnés sont compris dans le prix (colonne 3)
  • Mention relative au fait que les ouvrages ou fournitures mentionnés ne sont pas compris dans le prix (colonne 4)
  • Chiffrage expresse des ouvrages mentionnés à la colonne 4 (colonne 5).

Les prix indiqués, qu’il s’agisse des ouvrages compris ou non compris, doivent l’être toutes taxes comprises.

Elle doit donc chiffrer précisément le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution. Le constructeur doit évaluer poste par poste le coût des travaux réservés par le maître de l’ouvrage. La rédaction de la notice est de sa responsabilité.

A défaut, les travaux sont à la charge du constructeur.

  • Une mention manuscrite imposée

Enfin, dans le but d’assurer une information complète et éclairée du maître de l’ouvrage sur la charge et le coût des travaux dont il entend se réserver l’exécution, le Code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat et la notice descriptive doivent comporter une mention manuscrite sur les travaux réservés.

La mention ne peut être que la suivante :

“Les travaux non compris dans le prix convenu qui reste à ma charge s'élèvent à la somme de [...] euros”

En effet, la jurisprudence a déjà pu juger que les mentions « bon pour acceptation » et « lu et approuvé » ne valait pas acceptation par le maître de l’ouvrage des travaux réservés. De même, l’attestation sur l’honneur signée et certifiant l’accord sur les travaux non compris ne peut être valable.

La mention doit donc être manuscrite, et signée par le maître de l’ouvrage indépendamment de la signature de la notice.

A défaut de mention manuscrite, la sanction retenue par la jurisprudence est la nullité du contrat, en raison du caractère impératif des dispositions du régime du CCMI.

DES PIEGES A EVITER :

Se réserver l’exécution de certains travaux peut permettre au maître de l’ouvrage de faire baisser le coût de sa construction.

Toutefois, il convient d’être vigilent sur certains points.

  • Les travaux qui ne peuvent être réservés

Tout d’abord, certains travaux nécessaires à l’édification de la construction ne peuvent être mis à la charge du maître de l’ouvrage et doivent être compris dans le prix convenu.

C’est le cas par exemple selon la jurisprudence des travaux de consommations de fluides, c’est-à-dire pour l’eau et l’électricité.

  • Les travaux non réservés

Par ailleurs, il résulte du Code de la construction et de l’habitation que tous les travaux qui ne sont pas réservés pas le maître de l’ouvrage, c’est-à-dire qui ne figurent pas à la notice descriptive et ne font pas l’objet de la mention manuscrite, et qui sont nécessaires à l’achèvement de la construction, incombent au constructeur.

  • Les travaux non chiffrés

Ensuite, lorsque les travaux réservés n’ont pas été précisément chiffrés dans le cadre de la notice descriptive, ils demeurent à la charge du constructeur.

En effet, la jurisprudence est constante à ce sujet : un chiffrage global et trop imprécis ou l’absence de chiffrage ne permet pas de réserver l’exécution des travaux concernés au maître de l’ouvrage.

Ainsi, il sera possible de formuler une demande de remboursement de ces travaux si vous les avez déjà exécutés.

  • Les travaux sous évalués

Enfin, il est courant de rencontrer des constructeurs aux pratiques trompeuses qui proposent, ou imposent, que le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution de certains travaux dans le but de faire baisser le prix de la construction.

Pour ce faire, le coût des travaux réservés est bien souvent sous-évalué et le maître de l’ouvrage se retrouve dans une situation délicate : se charger lui-même des dits travaux ou les faire réaliser en dépassant son budget.

Or, pour rappel, le fort du CCMI est de garantir un prix forfaitaire déterminé. Ces circonstances s’avèrent donc extrêmement dommageables pour le maître de l’ouvrage. C’est pourquoi, deux remèdes lui sont offerts : demander la prise en charge financière du surcout au constructeur ou lui faire exécuter les dits-travaux aux prix et conditions convenus.

En effet, selon la jurisprudence, si le CMiste a sous-évalué le coût des travaux réservés, il en supportera le dépassement du prix, c’est-à-dire la différence entre le prix annoncé et le prix réel. Ainsi, le coût supplémentaire des travaux réservés chiffrés de manière irréaliste par le constructeur sera mis à sa charge.

Par exemple, il a été jugé que la notice descriptive ne pouvait valablement évoquer les seuls prix au m2 ou au m3 des fournitures non comprises dans le prix, sans préciser les quantités nécessaires au cas particulier. En effet, le maître de l’ouvrage doit pouvoir connaitre de manière claire le coût des travaux réservés.

De plus, l’article L231-7 du Code de la construction et de l’habitation offre également au maître de l’ouvrage la possibilité de demander au constructeur de faire exécuter les travaux réservés aux conditions prévues. Ainsi, le constructeur qui aurait sous-évalué le coût de ces travaux réservés devra finalement s’en contenter.

La demande doit être formulée par lettre recommandée avec accusé réception et dans les quatre mois suivant la signature du contrat, laissant ainsi une marge suffisante au maître de l’ouvrage pour s’assurer de l’exactitude des évaluations fournies par le constructeur.

En conclusion, c’est avec prudence et de manière éclairée que le maître de l’ouvrage doit envisager de se réserver l’exécution de certains travaux dans le cadre d’un CCMI.

N'hésitez-pas à vous faire accompagner par un professionnel en droit immobilier.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Marie BEVE, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT      

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