
Vente immobilière et vices cachés : ce que l'acquéreur doit savoir
Lorsque vous achetez un bien immobilier, naturellement à la réception du bien, vous vous attendez à ce qu’il soit conforme à ce que vous aviez vu du bien pendant les visites. L’acquéreur qui pensait avoir trouvé le bien qui correspond à ses attentes peut finalement se retrouver dans une situation très décevante s'il découvre de graves défauts une fois la conclusion de la vente passée....
En effet, dans de nombreuses situations, les acheteurs se retrouvent démunis après avoir découvert des problèmes d’étanchéité, un champignon dissimulé par la peinture, une charpente infestée par les insectes... Communément appelés les "vices cachés", ces défauts sont suffisamment sérieux au point où les acheteurs doivent effectuer des travaux d’une grosse ampleur, avec un coût exorbitant, ou que le bien soit totalement inutilisable.
Pour éviter ces situations, le législateur est intervenu. En effet, en prévoyant une action légale de garantie contre les vices cachés, les acquéreurs peuvent agir à l’encontre des vendeurs qui ont, soit caché volontairement les défauts ou à l’encontre de ceux qui n’étaient pas au courant de leur présence.
Quand finalement, les acquéreurs se retrouvent démunis à la découverte de ces vices, la loi leur permet d’agir. Seulement, cette action n’est pas simple puisque des conditions cumulatives doivent être respectées pour pouvoir engager la garantie du vendeur.
Une obligation de garantie à la charge du vendeur
La garantie, fait partie des obligations à la charge du vendeur lorsqu’il s’engage à céder un bien immobilier.
C’est pourquoi, l’action en garantie des vices cachés vise essentiellement à protéger les acquéreurs.
Toutefois, cette action n’est en principe pas recevable lorsque de manière conventionnelle, les parties ont décidé de prévoir une clause les empêchant d’agir sur ce fondement.
C'est la fameuse clause exonératoire des vices cachés qui prévoit : « Il est expressément convenu que l’acquéreur prendra le bien vendu dans l’état où il se trouvera le jour de l’entrée en jouissance, sans garantie du vendeur et sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni réduction du prix pour mauvais état du sol ou des bâtiments, vices ou défauts de toute nature apparents ou cachés ».
Cette clause est très fréquente en pratique.
L'ouverture de l’action en garantie sous réserve de respecter les conditions
Le vice caché, défini par les auteurs comme « le défaut que l'acheteur ne pouvait pas déceler, compte tenu de la nature de la chose vendue, et dont il n'a pas eu connaissance au moment de la vente » pose des conditions nécessaires pour permettre d’intenter une action en garantie.
L’existence d’un défaut (mais pas n’importe lequel)
En effet, afin que l’acquéreur puisse ouvrir une action, le Code civil prévoit d’une part qu’il existe un défaut de la chose.
Attention, la jurisprudence a pu admettre à plusieurs reprises que le seul fait pour l’acheteur de ne pas être satisfait car le bien acquis ne lui procure pas les effets qu’il attendait, n’est pas suffisant pour invoquer la garantie du vendeur. De même, si l’acquéreur fait une utilisation inappropriée de la chose.
Quelques exemples en matière immobilière de vices cachés :
- Défaut d’étanchéité
- Installation électrique non conforme
- Présence de mérule ou insectes xylophages
La charge de la preuve revient à l’acquéreur de la chose objet de la vente, en apportant par tous les moyens qu’il existait un défaut lié à la chose vendue (par exemple : un témoignage, un constat du commissaire de justice, une expertise judiciaire)
Le défaut antérieur rendant la chose impropre à son usage
Précisé par l’article 1641 du Code civil, le défaut doit rendre la chose impropre à son usage auquel on la destine ou du moins, qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise.
Cette précision apportée par le législateur permet de soutenir que le défaut qui affecte l’usage de la chose est d’une gravité importante. L’appréciation de la gravité se détermine selon la destination normale de cette chose.
Il relève évidemment de l’appréciation souveraine des juges de déterminer si la chose objet de la vente est impropre à sa destination.
Enfin, le défaut doit exister antérieurement à l’acte de vente.
Un défaut occulte
Enfin, le vice doit absolument être occulte pour ouvrir le droit à la garantie.
Comme le rappelle l’article 1642 du code civil, « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
Dans ce sens, l’acheteur doit également être de bonne foi, bien qu’elle soit présumée, la preuve du contraire pourrait être apportée par le vendeur si l’acheteur avait découvert ou avait eu connaissance du vice au moment de la vente.
Par la suite, au regard de l’article 1641 du Code civil, si toutes les conditions sont réunies pour qualifier le défaut de « vice caché », alors l’acquéreur peut intenter une action contre les vices cachés.
La clause exonératoire faisant obstacle à l’action en garantie
Toutefois, si le contrat présente une clause de non-garantie, celle-ci peut faire obstacle à l’action légale de l’acquéreur.
Ainsi, bien que légale, cette garantie n’est pas pour autant d’ordre public.
Mais, pour que la clause de non-garantie soit valable, il est nécessaire que le vendeur soit de bonne foi.
Ainsi, les clauses de non-garanties sont valables dès lors que le vendeur est un particulier et qu’il ne connaissait pas l’existence du vice.
La présomption irréfragable du vendeur professionnel permettant d’écarter la clause
Il existe une présomption à caractère irréfragable pour le vendeur professionnel, qui est fondé pour la Cour de cassation sur le postulat que, le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d'apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l'objectif légitime de protection de l'acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences, est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention Européenne des Droits de l’Homme » (Ccass, com. 5/07/2023)
Rien n’empêche pour évincer la clause de non-garantie que l’acquéreur soit également un professionnel. Seulement, il doit être compétent dans un autre domaine.
Alors, en présence d’une clause de non-garantie régulièrement stipulée, l’action en garantie de vices cachés ne pourra aboutir. C’est pourquoi, dès lors que le vice caché pourrait coïncider avec le dol (manœuvre frauduleuses réalisées avec l’intention de tromper), il n’est pas prohibé pour l’acquéreur d’agir sur le fondement de l’action en nullité pour dol.
La mise en œuvre de l’action en garantie des vices cachés
Concernant la mise en œuvre de l’action contre les vices cachés, l’article 1644 du Code civil prévoit que, « l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »
L’acquéreur effectuera son action contre le vendeur directement. Toutefois, dans le cadre des ventes successives, il existe une transmission de l’action en garantie. En effet, la jurisprudence estime que « la revente de la chose ne prive pas le vendeur intermédiaire de la faculté d'exercer l'action en garantie des vices cachés. Il peut le faire dès lors qu'il y trouve un intérêt direct et certain : ainsi, spécialement, lorsque lui-même est attrait en garantie »
Cette action permise au vendeur intermédiaire n’est toutefois valable que s’il ignorait le défaut de la chose. En effet, dans un arrêt rendu en date du 3 juillet 1985, les juges rappellent la bonne foi du vendeur : « L'acquéreur, également vendeur professionnel, qui a effectivement décelé ce vice après la livraison, ne peut se faire garantir par son propre vendeur des conséquences de la faute qu'il a commise en revendant le produit en connaissance de cause »
Le délai pour agir
Concernant le délai pour exercer une action en garantie des vices cachés, l’article 1648 est clair, « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »
Toutefois, il existe des événements qui peuvent parfois retarder le point de départ de l’action.
En effet, dans certains cas, l’action n’aura pas pour point de départ la découverte du vice. Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 juillet 1981, les juges avaient énoncés que lorsqu’il y’a eu une tentative de règlement amiable qui a finalement échouée, le délai ne commence qu’a courir à partir du jour ou « l’échec de la négociation a été consommé ». De même, dans le cadre d’une vente successive, le point de départ de l’action est reporté quand l’acquéreur n’agit contre son vendeur que parce que lui-même a été attrait en garantie par le sous acquéreur.
Dans tous les cas, il existe un délai butoir c’est-à-dire que les parties ne peuvent agir sans pouvoir excéder 20 ans à compter de la conclusion de la vente.
Plus récemment, par un arrêt rendu par la troisième chambre de la Cour de cassation en date du 28 mai 2025, une clarification a été apportée sur le point de départ des recours du constructeur contre les fabricants et fournisseurs. En reprenant, la solution des arrêts rendu par la Cour de cassation le 21 juillet 2023, l’action contre les fabricants et fournisseurs doit être initiée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Cependant, la Cour de cassation dans l’arrêt du 28 mai estime dans le cadre d’une action d’un constructeur contre son fabricant que le point de départ de l’action, ne peut être la connaissance matérielle du vice. En l’occurrence, le délai de prescription de cette action « court à compter de l’assignation en responsabilité qui lui a été délivrée ou à défaut, à compter de l’exécution de son obligation à réparation ». En l’espèce, l’action du constructeur avait été rejetée par les juges de la Cour d’appel car ils estimaient que l’action était prescrite car elle a été intentée plus de deux ans après la date de connaissance du vice. La Cour de cassation censure la décision de la Cour d’appel en affirmant qu’il s’agit d’une action entre coobligés qui modifie le point de départ de la prescription. En effet, « le constructeur n’est plus propriétaire de la chose mise en œuvre, il ne subit pas le dommage causé par le vice caché qui affecte l’ouvrage mais son dommage résulte de la mise en œuvre de l’action du maitre d’ouvrage à son encontre. »
Le choix offert à l’acquéreur
Enfin, après avoir intenté son action, l’acquéreur a le choix au regard de l’article 1644 du Code civil, entre :
- la résolution de la vente
- la restitution du prix
- la conservation de la bien et une restitution partielle du prix.
Au-delà de ces actions estimatoires et rédhibitoires, l’acquéreur peut également exercer une action indemnitaire si la preuve d’un préjudice est rapportée.
Le rôle de l’avocat
L’avocat joue un rôle essentiel pour aider les acquéreurs à mettre en œuvre l’action en garantie des vices cachés.
Il n’est en effet pas simple pour les acquéreurs profanes, c’est-à-dire qui ne sont pas professionnels, de prouver que les défauts découverts concernant leur bien étaient présents avant la vente et surtout connus...
C’est là qu’intervient l’avocat qui connait les conditions à remplir pour que l’action puisse aboutir.
La preuve est parfois difficile à rapporter, c’est pour ça qu’en ayant recours à un avocat, il pourra vous accompagner dans le cadre d'une expertise judiciaire. L’expertise judiciaire permet de constater les défauts et d’en évaluer les conséquences. Surtout, elle permettra de recueillir des preuves.
Ainsi, le rapport de l’expert précisera l’existence du défaut, son origine et son effet sur l’usage ou la valeur du bien.
Le but de l’expertise sera de recueillir des preuves écrites et visuelles (photographies, factures des travaux effectués, témoignage du professionnel).
L’avocat joue un rôle primordial dans ces litiges puisqu’il conseille les clients quant aux preuves disponibles et détermine s’il s’agit d’un vice caché.
Ainsi, il peut orienter le clients vers l’action qui correspond le mieux à la situation.
L’assistance d’un avocat est indispensable puisqu’il apporte son expertise en la matière complexe qu’est le droit immobilier et assure que les droits de son clients soient respectés.
Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.
Article rédigé par Marie DEBUSSCHERE, stagiaire LBA AVOCATS
Sous la direction de Me Louise BARGIBANT
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