
Garantie de parfait achèvement : le constructeur dispose-t-il d’un an pour lever les réserves ?
La réception des travaux marque un tournant majeur dans la relation entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur. À compter de cette date s’ouvre le délai de la garantie de parfait achèvement (GPA), prévue par l’article 1792-6 du Code civil.
En pratique, il n’est pas rare que les constructeurs tentent de minimiser la portée de cette garantie, en soutenant que l’action du maître d’ouvrage se limiterait à leur laisser un an pour exécuter les reprises, ou en cherchant à repousser les délais en multipliant les promesses d’intervention non tenues. Certains n’hésitent pas à affirmer, à tort, que l’expiration du délai d’un an les libère automatiquement de toute obligation.
Or, la GPA est une garantie d’ordre public qui impose des règles strictes. Le maître d’ouvrage doit respecter un calendrier procédural précis, mais l’entrepreneur n’est pas libre de s’en affranchir.
Mais que recouvre exactement cette garantie ? Le constructeur est-il tenu de lever les réserves dans un délai d’un an, ou ce délai n’est-il qu’un cadre pour la mise en œuvre de l’action ? Les réponses supposent de bien comprendre le champ d'application de cette garantie légale, son caractère impératif ainsi que les délais imposés tant au maître de l'ouvrage qu'au constructeur
1. Définition et champ d’application de la garantie de parfait achèvement
La garantie de parfait achèvement est due par l’entrepreneur qui a exécuté les travaux affectés par les désordres. Elle couvre :
- Les désordres apparents signalés dans le procès-verbal de réception ;
- Les désordres cachés révélés dans l’année suivant la réception, à condition qu’ils soient notifiés par écrit au constructeur.
La GPA est une garantie d’ordre public (C. civ., art. 1792-5) : toute clause contractuelle visant à l’exclure ou en limiter la portée est réputée non écrite.
2. La procédure de mise en œuvre
La mise en œuvre de la GPA suppose une démarche active du maître d’ouvrage :
- Notification des désordres au constructeur ;
- Mise en demeure adressée à l’entrepreneur afin qu’il procède aux réparations.
La jurisprudence rappelle avec constance que la simple mention d’un désordre dans le procès-verbal de réception ne suffit pas : une véritable mise en demeure est exigée (Cass. 3e civ., 5 janv. 1994, n° 92-10.649 ; Cass. 3e civ., 31 mars 1999, n° 97-18.019).
L’assignation ne peut pas non plus tenir lieu de mise en demeure : elle doit être préalable à toute action judiciaire (Cass. 3e civ., 15 avr. 2021, n° 19-25.748 ; Cass. 3e civ., 13 juill. 2023, n° 22-17.010).
3. Le délai d’un an : un délai de mise en œuvre, non d’exécution
Contrairement à une idée répandue, le délai d’un an prévu par l’article 1792-6 du Code civil est un délai de mise en œuvre de la garantie, et non un délai maximal pour réaliser les travaux.
Autrement dit :
- Le maître d’ouvrage doit dénoncer les désordres et mettre en demeure le constructeur d’y remédier ;
- Les travaux de reprise peuvent être exécutés avant ou même au-delà de l’année, sous réserve que la procédure ait été régulièrement engagée dans ce délai.
La Cour de cassation a précisé que ce délai est un délai de forclusion, uniquement susceptible d’interruption (Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-24.574). Il ne peut donc être ni suspendu ni prorogé, sauf reconnaissance par l’entrepreneur ou acte interruptif tel qu’une assignation (même en référé : Cass. 3e civ., 17 mai 1995, n° 1006).
4. Le rôle de la mise en demeure et ses suites
L’article 1792-6 prévoit que les délais d’exécution des reprises sont fixés d’un commun accord entre maître d’ouvrage et entrepreneur.
À défaut d’accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé :
- Le maître d’ouvrage peut, après mise en demeure restée infructueuse, faire exécuter les travaux par une entreprise tierce, aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant, sans avoir besoin d’autorisation judiciaire (Cass. civ. 1re, 30 janv. 2001, n° 98-15.046).
Toutefois, la mise en demeure doit être précise et raisonnable quant au délai laissé à l’entrepreneur, généralement fixé à minimum 15 jours.
5. Après l’expiration du délai d’un an
Lorsque le délai d’un an est écoulé, la GPA ne peut plus être mobilisée.
Toutefois :
- Pour les désordres réservés à la réception : l’entrepreneur reste tenu sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, dans un délai de dix ans (Cass. 3e civ., 2 févr. 2017, n° 15-29420).
- Pour les désordres cachés notifiés dans l’année : ils peuvent relever d’autres régimes, notamment la garantie décennale ou la garantie de bon fonctionnement (Cass. 3e civ., 30 juin 2009, n° 08-18.410).
Conclusion
Le délai d’un an attaché à la garantie de parfait achèvement ne correspond pas à un délai d’exécution laissé à l’entrepreneur pour lever les réserves.
Il s’agit d’un délai strictement de mise en œuvre, durant lequel le maître d’ouvrage doit notifier les désordres et mettre en demeure le constructeur d’intervenir.
Une fois ce délai respecté, les travaux correctifs peuvent parfaitement intervenir au-delà. En revanche, à défaut de notification et de mise en demeure dans l’année, le maître d’ouvrage perd le bénéfice de cette garantie, et devra alors se tourner vers d’autres fondements de responsabilité, souvent plus complexes à mettre en oeuvre, pour obtenir réparation.
Quid du rôle de l’avocat ?
Sécurisation du timing et des actes
L’avocat veille au strict respect du calendrier : il rappelle au maître de l’ouvrage les dates précises (réception, notification, mise en demeure, assignation), indispensables pour ne pas tomber dans la forclusion. Son intervention garantit que les démarches sont engagées à temps, évitant tout risque d’irrecevabilité.
Formalisation et stratégie procédurale
L’avocat évalue la situation, conseille sur la rédaction des notifications, mises en demeure, et assignations, et sélectionne la procédure la mieux adaptée (amiable, référé, fond). Il aide à constituer un dossier probant et à anticiper tous les arguments de droit et de fait.
Faculté de remplacement
En cas d’inertie du constructeur, l’avocat guide le maître de l’ouvrage sur la faculté de remplacement :
- Rédaction de la mise en demeure destinée à rester infructueuse dans un délai raisonnable (généralement 8 à 15 jours).
- Préparation de la procédure permettant de faire réaliser les travaux par une entreprise tierce, sur décision de justice ou, parfois, sans autorisation judiciaire préalable.
- Encadrement du recours aux frais et risques de l’entreprise défaillante et gestion de la facturation correspondante.
Défense des intérêts et recours
L’avocat prépare les recours ouverts en cas de refus ou de contestation de l’entreprise, et veille à la protection des droits du maître de l’ouvrage devant les juridictions compétentes. Il intervient également en cas de désordres persistants ou nouveaux, pour orienter vers les garanties biennale ou décennale lorsque nécessaire.
Le recours à un avocat expérimenté en droit de la construction offre au maître de l’ouvrage une sécurité juridique renforcée et préserve ses intérêts financiers, tout en évitant les nombreux pièges procéduraux qui jalonnent la levée des réserves et la mise en œuvre de la GPA.
Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.
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