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VEFA : Quels recours en cas de retard de livraison ?

Le retard de livraison de leur bien est une des craintes majeures des acquéreurs ayant fait l’achat d’un immeuble en Vente en l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA).

A ce titre, une enquête réalisée par UFC Que Choisir en 2017 fait le constat que 29 % des français, soit 1 cas sur 3, sont touchés par des délais supplémentaires de livraison concernant l’acquisition de leur bien neuf.

Ainsi, alors que ce type d’accession à l’immobilier offre les avantages d’une construction neuve, notamment en terme d’isolation et de recours en cas de désordres, il n’est pas rare que l’acquéreur se heurte finalement à un retard de livraison de l’immeuble.

Le fait de différer et retarder la livraison n’est pas sans conséquence puisqu’en résultent généralement des désagréments et même des impacts économiques pour l’acquéreur lequel dispose de recours juridiques et judiciaires.

Dans le cas particulier de la VEFA quels sont alors les recours en cas de retard de livraison ?

Le point avec cet article.

1/ Rappel du régime de la VEFA

  • Définition de la « VEFA »

La Vente en l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) est ce que l’on appelle plus généralement dans le langage courant un « achat sur plan ».

Le contrat de VEFA est prévue par l’article 1601-3 du code civil lequel la définie comme « le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux ».

En clair, un acquéreur contracte avec un promoteur qui s'engage à construire sur un terrain un immeuble, immeuble dont l’acquéreur deviendra propriétaire au fur et à mesure de l'avancement des travaux et donc de l’édification de la construction.

Ainsi, l’acheteur décide d’investir après avoir vu les plans de la future construction et après avoir pris connaissance des conditions du contrat.

Généralement, l’acquéreur signe un premier contrat, appelé contrat de réservation, puis il réitère son engagement dans un acte de vente notarié qui intervient postérieurement.

Concrètement sont prévus les plans lesquels font état de ce qu’il est envisagé de réaliser en terme de construction ; les délais dans lesquels sont prévus ladite construction mais aussi le prix que l’acquéreur s’engage à payer.

  • Caractéristiques de la VEFA

La VEFA est un contrat portant sur un immeuble dont la construction n’a pas encore commencé ou dont les travaux ont seulement débutés mais qui ne sont en tout état de cause pas achevés.

La vente en VEFA se distingue alors du Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI), puisque dans la vente en VEFA le vendeur qui est souvent un promoteur, prend à sa charge certains aspects du projet tels que, a priori,  la gestion des études de sols, des taxes, la demande de permis de construire…

Le CCMI lie le constructeur et l’acheteur, étant précisé que ce dernier se charge lui-même d’obtenir la propriété du terrain sur lequel aura lieu la construction.

A l’inverse, la VEFA est un projet « global » : le promoteur qui vend la future construction est aussi le vendeur du terrain. A cet égard, l'acquéreur acquiert immédiatement les droits de propriété sur le sol et sur les constructions existantes.

Le Code de la construction et de l’habitation prévoit juridiquement l’acquisition d’un bien immobilier neuf dans le cadre de la VEFA.

L’acquéreur devient propriétaire des ouvrages à progression de leur exécution, il est donc tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des opérations de construction.

Le vendeur, en faveur de qui le contrat de VEFA est généralement rédigé, est lui aussi débiteur d’obligations et à cet égard il est notamment tenu de livrer le bien objet du contrat dans le délai.

  • Focus sur les obligations de chacune des parties

Obligation de l’acquéreur : le paiement échelonné

La principale obligation de l’acquéreur résultant du contrat de VEFA concerne le paiement lequel intervient à mesure de l’édification de la construction.

Puisque le paiement est conditionné à l’avancement des travaux, il s’avère être échelonné.

L’échelonnement est défini dans le contrat de vente, il est donc accepté par l’acquéreur lors de la signature de l’acte chez le notaire.

Les paiements successifs sont déterminés dans le Code de la construction et de l’habitation qui encadre juridiquement la VEFA en tant que telle.

Le calendrier des appels de fonds résulte de l’article R261-14 du Code de la construction et de l'habitation et est prévu comme suit :

  • 35 % du montant total lors de l’achèvement des fondations
  • 70 % du montant total lors de la mise hors d’eau, c’est-à-dire quand les murs, la toiture et la charpente sont construits
  • 95 % du montant total à la fin du chantier
  • les 5 % restants lors de la livraison du logement

Il est à noter que le contrat de VEFA est souvent protecteur du promoteur de sorte que si l’acquéreur ne s’acquitte pas des paiements en temps voulu, des indemnités de retard sont souvent prévues lesquelles équivalent à 1% de la somme à verser par mois de retard. Une clause résolutoire peut également être insérée dans le contrat de vente, clause qui aura pour effet de résoudre automatiquement le contrat si l’acquéreur ne respecte pas le versement des échéances.

Pour le cas où l’acquéreur aurait souscrit un emprunt afin de financer l’acquisition en VEFA, la banque ne débloque généralement les fonds qu’au fur et à mesure des paiements échelonnés dans le temps.

Obligation du vendeur : la livraison dans le délai

La loi encadre la formation des VEFA en ce qu’elle rend obligatoire la fixation d’une date de livraison qui doit nécessairement être contenu dans l’acte de vente.

L’article 1601-1 du Code civil, retranscrit à l’article L261-2 du Code de la construction et de l’habitation fait figurer ces termes : « La vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. »

Il résulte donc de cette disposition une obligation pour le vendeur de livrer l’immeuble à la date à laquelle la livraison a été convenue, en effet le contrat de Vente en l’Etat Futur d’Achèvement est un contrat dit « à terme ».

Le vendeur, qui est souvent un promoteur, est donc le maître de l’ouvrage pour la durée de l’édification du bien neuf.

Il est responsable de la bonne exécution des travaux et de la livraison dans les délais qui ont été définis dans l’acte de vente, étant précisé que ces délais laissent généralement une marge de trois mois puisqu’ils visent un trimestre.

2/ Quid en cas de retard de livraison ?

En cas de non-respect de cette date par le vendeur, l’acquéreur est en droit de solliciter la réparation du préjudice qu’il a subi et donc d’être indemnisé à ce titre.

Toutefois, la plupart des contrat de VEFA sont rédigés de sorte à ce que soit insérée au contrat une clause qui liste de manière exhaustive des « causes légitimes de suspension des délais de livraison ».

Ces causes prévoient généralement leur légitimité dans le cas d’un retard :

  • Résultant des intempéries
  • Consécutif à la découverte d’anomalies dans les sous-sol
  • Causé par une difficulté liée au permis de construire
  • Dû à la défaillance d’une entreprise, à sa situation financière compromise…
  • Occasionné par une grève générale
  • A la suite des difficultés d’approvisionnement en matériaux

Ces dernières années des causes ont été insérées plus fréquemment lesquelles prévoient le retard en raison de la pandémie de Covid -19. Des causes similaires font référence au conflit en Ukraine afin de justifier du retard de livraison pris sur certains chantiers en invoquant notamment que les provisions en fournitures soient rendues plus difficiles et plus longues.

Il peut être important de souligner qu’une clause supplémentaire est fréquemment insérée dans la plupart des contrats de Vente en l’Etat Futur d’Achèvement, cette clause a pour effet de doubler le nombre de jours de retard justifiés.

Cette clause fait figurer ces termes : « en cas de survenance de l’un des évènements mentionnés, cela aura pour effet de retarder la livraison du bien vendu d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de la répercussion sur l’organisation générale du chantier ».

Cette clause n’est pas considérée comme abusive au sens de la Cour de cassation, qui estime qu’il n’y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En effet, elles sont considérées comme acceptées par l’acquéreur lequel a donné son accord lors de la signature de l’acte de vente.

Toutefois, l’ensemble de ces clauses apparait être défavorable à l’acquéreur lequel est généralement un non professionnel qui contracte avec un vendeur professionnel.

En réalité, elles sont un net avantage pour le vendeur qui, lorsqu’il invoquera l’une de ces causes, ne pourra pas être tenu responsable du retard de livraison et n’aura pas à indemniser l’acquéreur.

Dans ces conditions, le promoteur sera dans son bon droit et ne devra pas indemnisation alors même que le bien aura été livré bien après la date initialement convenue !

Toutefois, pour qu’il soit totalement déchargé de son obligation, le vendeur devra prouver l’existence de la cause invoquée et son impact sur le retard pris dans l’exécution des travaux.

3/ La vérification des retards allégués

Les causes prévues au contrat de vente sont peu ou prou toujours sensiblement similaires dans les contrats de VEFA.

Attention toutefois, il convient de vérifier scrupuleusement ce que prévoit l’acte de vente concernant ces causes, afin de ne pas tomber sous le coup d’un promoteur qui en use et en abuse !

Comme rappelé dessus, lorsque le retard de livraison du bien est consécutif à une cause légitime de suspension du délai et que celle-ci est justifiée, le vendeur n’est pas tenu d’indemniser l’acquéreur.

Ces causes légitimes de suspension des délais sont alors perçues comme de véritables « décharges » de responsabilité concernant le vendeur.

C’est pourquoi des leviers existent pour intervenir face à la puissance des potentielles dérives des promoteurs…

Les causes de retards avancées par celui-ci méritent alors d’être analysées de très près, puisqu’il n’est pas rare que le promoteur invoque des causes sans même les justifier. L’acquéreur ne doit pas se contenter de simples courriers faisant état du retard pris.

En effet, pour que ces causes soient « légitimes » encore faut-il que des justificatifs bien précis corroborent les motifs invoqués, mais au-delà de leur légitimité le vendeur devra justifier de leur existence et de leur lien de causalité avec le retard de livraison du bien immobilier.

Les justificatifs fournis devront être probants !

Généralement, le formalisme que doivent revêtir les différents justificatifs est prévu dans l’acte de vente lui-même.

Par exemple, il peut avoir prévu dans le contrat que la preuve apportée sera un simple courrier du maître d’œuvre. 

En conséquence le promoteur sera tenu de respecté ce formalisme, sans quoi il ne pourra invoquer la clause contenant les causes légitimes de suspension des délais de livraison et il sera considéré comme fautif dans la survenance du retard.

Dans ces conditions, l’acquéreur pourra se permettre de contester ce retard.

Alors, le retard qui ne sera pas justifié permettra à l’acquéreur de demander la réparation des préjudices qu’il a subis, soit en sollicitant une indemnisation financière sot en demandant la résolution du contrat de VEFA.

4/ En cas de retards non justifiés, la possibilité de solliciter une indemnisation ou la résolution du contrat VEFA

Si le retard invoqué par le vendeur est injustifié, il devra assumer les conséquences de l’inexécution du contrat.

En matière de contrat de VEFA, le législateur n’a prévu aucune disposition relative à l’indemnisation de l’acquéreur pour le cas où le retard de livraison ne serait pas justifié (contrairement au Contrat de Construction de Maison Individuelle).

L’application du droit de la responsabilité contractuelle pour faute a alors vocation à s’appliquer dès lors que le retard injustifié sera prouvé. Toutefois, il conviendra également d’apporter la preuve du préjudice subi par l’acquéreur et du lien de causalité entre ladite faute et le préjudice.

L’acquéreur est alors libre dans l’invocation de ses préjudices mais attention ceux-ci doivent bel et bien être le résultat du retard de livraison.

En conséquence, des justificatifs doivent être apportés afin de prouver leur existence.

Par exemple, l’acquéreur peut invoquer un préjudice financier :

  • lorsqu’il supporte la charge de son loyer cumulé au remboursement de son emprunt
  • résultant de la perte de revenus locatifs alors même qu’il continue de rembourser les échéances bancaires
  • consécutifs au paiement de frais bancaires notamment les frais intercalaires
  • car il a été contraint de louer un garde-meuble pour stocker ses effets personnels
  • qui est dû à la perte d’un avantage fiscal, tel que prévu par le dispositif d’investissement locatif PINEL/DUFLOT
  • à cause de dépenses kilométriques

Au-delà de ces préjudices économiques, un préjudice moral peut également être subi par l’acquéreur.

Parfois, le préjudice peut même être lié à la perte d’un avantage fiscal tel que l’avantage fiscal PINEL.

En effet, dans le cadre de cette loi de défiscalisation (PINEL), certains investisseurs décident d’acheter un bien en VEFA pour ensuite pouvoir le proposer à la location et en tirer des avantages fiscaux.

Outre certaines conditions à respecter tenant notamment au plafonnement des loyers, aux ressources des locataires ou encore concernant la localisation du bien ou ses performances énergétiques, pour pouvoir bénéficier du dispositif encore faut-il que l’achèvement de l’immeuble ait eu lieu dans les 30 mois à compter de la signature de l’acte authentique de vente.

Par ailleurs, si un manquement suffisamment grave est constaté, l’acquéreur pourra aussi demander la résolution du contrat de Vente en l’Etat Futur d’Achèvement.

Il s’agira alors du préjudice de perte de chance de bénéficier d’un avantage fiscal.

Ainsi, le retard de livraison occasionné par le promoteur peut engendrer la perte de cet avantage, avantage qui a, à l’origine, poussé l’acquéreur à investir.

5/ Quelques conseils si vous êtes acquéreur dans un contrat de VEFA…

  • Premièrement, il est tout à fait possible pour l’acquéreur d’insérer au contrat de VEFA une clause prévoyant une indemnité forfaitaire qui lui sera dû en cas de retard dans l’exécution de ses obligations par le vendeurs, à savoir en cas de retard concernant la livraison du bien immobilier.

L’insertion de ce type de clause se faisant très rarement, il est recommandé à l’acheteur de faire intervenir à la vente son propre notaire, qui participera à l’acte de vente et pourra le cas échéant négocier l’insertion d’une telle clause.

  • Si le contrat de VEFA contient des causes légitimes de suspension de délai de livraison, il convient de bien prendre connaissance de ces causes et des justificatifs qui doivent être fournies par le promoteur.
  • Ensuite, il faut étudier les retards et analyser chacune des causes invoquées.
  • Attention : les recours, qu’ils soient indemnitaire ou concernant la résolution, ne sont pas automatiques. Une demande doit être expressément formulée auprès du promoteur, avec la preuve de tous les éléments susmentionnés.

Un avocat en droit immobilier prendra le temps de vous accompagner et de vous conseiller sur les options envisageables dans ce cas de figure.

Notez que nous pouvons d’ores et déjà entamer des démarches amiables afin de solliciter auprès du promoteur une indemnisation de vos préjudices.

En cas d’absence d’accord amiable nous pourrons envisager une procédure judiciaire en réparation ou annulation de la vente.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

 

Article rédigé par Joséphine LAMOUREUX, élève-avocate, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT      

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