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IMMOBILIER : les héritiers sont-ils responsables des vices cachés de leurs parents ?

Bien que les risques lors de l’achat d’un immeuble ancien peuvent être diminués en raison de certains diagnostics que sont contraints de faire les vendeurs avant de procéder à la vente, il arrive fréquemment que l’acquéreur fasse de mauvaises découvertes après l’achat dudit bien…

Pour protéger l’acquéreur dans ce type de situation une action contre le vendeur est possible : l’action en garantie des vices cachés.

Si en droit immobilier les conditions d’application de cette action sont très strictes, il reste que dans certaines situations ces conditions d’application interrogent, c’est le cas notamment en situation de succession et d’héritage.

En effet, en cas de vente intervenue à la suite d’un bien acquis par succession, comment s’articule la garantie des vices cachés, et notamment la clause exonératoire de cette garantie, clause régulièrement insérée à l’acte de vente ?

Le point avec cet article.

 Rappel général sur la garantie des vices cachés

Le principe : la responsabilité du vendeur

L’article 1641 du code civil prévoit que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, on n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

Cet article pose ainsi les conditions relatives à l’action de ladite garantie, étant précisé que c’est à l’acquéreur de prouver que l’ensemble des conditions sont réunies afin d’invoquer la garantie des vices cachés à l’encontre du vendeur de l’immeuble.

  • Les conditions de la garantie :

Ce texte impose, pour que la garantie des vices cachés trouve à s’appliquer, que trois conditions soient réunies :

- L’existence d’un véritable défaut, inhérent au bien vendu et le rendant impropre à son usage (ce défaut doit être d’une certaine gravité)

- Le défaut doit être caché, selon l'article 1642 du Code civil rédigé en ces termes : « Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même».

Deux précisions doivent être apportées concernant le caractère occulte du vice, à savoir que celui-ci s’apprécie :

- eu égard à la qualité de l’acheteur (est-il profane ou professionnel de l’immobilier/de la construction ?)

- en tenant compte de sa bonne foi

- Enfin, le défaut doit être antérieur ou concomitant à la vente.

  • Le délai d’action en garantie des vices cachés :

Le délai pour agir en garantie des vices cachés est fixé par l’article 1648 du Code civil, rédigé comme suit :

« L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents ».

L’action en garantie des vices cachés ne peut donc être intentée que dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice par les acquéreurs, étant précisé qu’il existe un délai butoir de vingt ans à compter de la date de signature du contrat de vente (pour plus de détails concernant les délais d’action en garantie des vices cachés, consultez notre article : "La garantie des vices cachés : d'un délai de forclusion à un délai de prescription, quelles sont les conséquences ?")

  • Les effets de la garantie :

Concernant les effets de la garantie, c’est l’article 1644 du Code civil qui offre la possibilité à l'acquéreur de choisir entre une action rédhibitoire et une action estimatoire.

Concrètement, le texte du Code civil laisse une option à l'acheteur : soit celle de « rendre la chose et de se faire restituer le prix » soit celle de « garder la chose et de se faire rendre une partie du prix».

En réalité, l’acquéreur ne sera bien fondé qu’à demander une réduction du prix pour le cas où le vice ne sera pas assez grave pour justifier de la résolution de la vente.

L’exception en matière de vente immobilière : la clause exonératoire de responsabilité

Des aménagements conventionnels sont susceptibles d’être prévus dans le contrat de vente, lesquels auront pour effet d’étendre, de limiter, ou de supprimer la garantie des vices cachés.

Des clauses mixtes combinant extension et restriction de garantie peuvent également être stipulées puisqu’en effet, la garantie des vices cachés n’est pas d’ordre public.

L’article 1643 du Code civil prévoit concernant le vendeur, qu’il « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».

A ce titre, il est utile de préciser qu’une telle clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés peut être insérée au contrat, ce qui, en matière immobilière relève de l’automatisme en ce sens qu’elle est quasiment systématiquement prévue par l’acte de vente.

La clause de non-garantie doit avoir été acceptée par l’acquéreur, ce qui est chose faite lorsqu’il appose sa signature au contrat de vente.

L’acheteur du bien consent alors dans ce cas à devenir propriétaire du bien « en l’état ».

La jurisprudence précise qu’en matière de vente immobilière, la clause de non-garantie stipulant que l'acquéreur prendra l'immeuble dans son état actuel avec tous ses vices ou défauts, apparents ou cachés, a vocation à s’appliquer dès lors que la mauvaise foi des vendeurs n’est pas établie (et ce alors même que la présence de termites dans l’immeuble vendu a été découverte, Civ. 3e, 12 nov. 1975, Bull. civ. III, no 330).

Ainsi, la validité de cette fameuse clause peut être remise en cause dans deux hypothèses :

  1. Si le vendeur est un professionnel, ou y est assimilé
  2. Si le vendeur profane est de mauvaise foi

Alors que le vendeur professionnel ou assimilé est réputé de mauvaise foi, le vendeur profane est considéré être de mauvaise foi dès lors qu’il avait connaissance du défaut au jour du contrat (Civ. 3e, 18 avr. 1974, D. 1974. IR 152).

 

L’application en droit des successions

Quid de cette action en garantie et de l’application de la clause exonératoire de cette garantie dans le cas où le bien a été acquis via une succession ? Les héritiers sont-ils tenus à l’obligation de garantie des vices cachés ? La clause exonératoire trouve-t-elle vocation à s’appliquer ? Comment la bonne foi des héritiers vendeurs s’apprécie-t-elle ?

Tant de questions qui amènent à la réflexion et auxquelles il est nécessaire d’apporter une réponse…

En principe, l’obligation de garantie des vices cachés est transmise aux ayants droits du vendeur qui deviennent à leur tour, débiteurs de cette obligation.

Concrètement, les héritiers sont tenus de l’obligation des vices cachés.

Les tribunaux rappellent régulièrement la transmission de l’obligation de garantie pour vices cachés à l’héritier du vendeur, qui devient débiteur de cette obligation.

Les textes ne semblent pas avoir prévu l’application de la clause de non-garantie concernant spécifiquement les héritiers.

Toutefois, plusieurs jurisprudences ont été rendues dans des hypothèses similaires se prononçant sur la validité ou sur l’exclusion d’une clause de non-garantie en situation de succession.

Si à l’origine la question relative à la clause de non-garantie dans un contexte de succession se voyait obtenir des réponses contradictoires par la jurisprudence, dans un arrêt rendu très récemment, la Cour de Cassation est venue éclairer vendeurs et acquéreurs.

En effet, avant, tantôt la responsabilité des héritiers ayant obtenu le bien vendu par le biais de succession était retenue, tantôt le juge déduisait du mode d’acquisition du bien l’absence de connaissance du vice et donc la bonne foi du vendeur.

Une réponse récente de la Cour de cassation vient se positionner en faveur de la bonne foi du vendeur qui avait vendu le bien immobilier en tant qu’hériter à la suite de la succession de ses parents.

La Haute juridiction confirme alors que la clause d’exonération garantie des vices cachés, à laquelle il ne pouvait être dérogé que par la preuve de la connaissance par le vendeur de l'existence de tels vices lesquels résultaient de travaux réalisés par les parents vendeur lorsqu’il n’était âgé que de douze ans, n’a pas à être écartée car le vendeur n’avait pas connaissance des vices affectant le bien acquis en succession.

On pourrait alors déduire que la bonne ou mauvaise foi des ayants droits est sans incidence sur l’application de la clause exclusive de garantie des vices cachés, dès lors que les vendeurs eux-mêmes n’avaient pas connaissance du vice.

Dans une autre affaire, une Cour d’appel a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’écarter la clause de non-garantie des vices cachés car les vendeurs-héritiers n’avaient pas connaissance du vice, à savoir de l’infestation de l’immeuble par les termites au moment de la conclusion de la vente.

La lecture qui est donc faite par les tribunaux semble vouloir strictement apprécier la connaissance du vice par le vendeur intervenant à l’acte de vente, sans distinction pour les hypothèses où l’action en garantie des vices cachés serait actionnée contre les héritiers du vendeur.

Également, la jurisprudence ne semble finalement pas opérer de réelle distinction selon que l’on soit dans l’hypothèse d’un bien acquis par succession et vendu par les héritiers.

Le principe de droit commun parait s’appliquer de sorte à ce que ne soit finalement apprécié que la connaissance du vice par le vendeur au moment de la vente.

La position récente de la Cour de cassation semble toutefois en faveur des vendeurs-héritiers qui, sauf preuve attestant du contraire, peuvent être considérés comme ignorant le vice caché alors même que leurs parents en avaient, eux, connaissance.

Les conseils d’Avocat

  • Si vous êtes un vendeur-héritier, veillez à bien respecter votre devoir d’information en informant l’acquéreur des détails à votre connaissance concernant le bien.
  • Si vous êtes acheteur dans ce type de situation, n’hésitez pas à faire un examen de manière complète, approfondie et attentive de l’immeuble : soyez « prudent et diligent »
  • En cas de doute relatifs aux questions d’ordre technique, faites appel à un expert ou à un professionnel.
  • Dans tous les cas, que vous soyez en demande ou en défense, agissez rapidement et consultez un avocat en droit immobilier pour protéger vos droits.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Joséphine LAMOUREUX, élève-avocate, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT      

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