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La garantie des vices cachés : d’un délai de forclusion à un délai de prescription, quelles sont les conséquences ?

La garantie des vices cachés est une notion importante en droit immobilier qui a pour but de protéger les acquéreurs.

Lorsqu’elle est mise en jeu, l’acquéreur peut solliciter une annulation de la vente ou une diminution du prix du bien.

Compte tenu de ses effets, les conditions d’application de cette garantie sont très strictes.

L’acquéreur est notamment soumis à un double délai très court s’il souhaite agir en justice.

Ce délai a fait l'objet d'un débat jurisprudentiel et doctrinal important qui a été récemment tranché. 

Le point avec cet article.

Quel est le délai d’action pour engager la garantie des vices cachés ?

L’action en garantie des vices cachés ne peut être intentée que dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice par les acquéreurs.

À tire d’exemple, si le contrat de vente a été signé le 1er janvier 2022, mais que des fuites ont été découvertes le 1er janvier 2023, le délai de 2 ans court à compter du 1er janvier 2023 : il conviendra donc d'agri en Justice avant le 1er janvier 2025.

Néanmoins, il existe un délai butoir de 20 ans à compter de la date de signature du contrat de vente. Pour une parfaite illustration, si le contrat de vente a été signé le 1er janvier 1990, mais que des fuites ont été découvertes le 1er janvier 2022, le délai pour agir est dépassé car la découverte du vice est intervenue plus de 20 ans après la signature du contrat de vente.

Autrefois éteinte par un délai de forclusion, l’action en garantie des vices cachés bénéfice aujourd’hui d’un délai de prescription. Cette évolution jurisprudentielle s’avère avantageuse pour l’acquéreur, mais encore faut-il être en mesure de distinguer la forclusion de la prescription.

La distinction entre un délai de prescription et un délai de forclusion

Le délai de prescription est dit « extinctif », lorsqu’une fois celui-ci écoulé le demandeur perd son droit d’agir en justice.

Ainsi, passé le délai de prescription, tout recours ou poursuite en justice devient interdit. L’objectif est de sanctionner l’inaction du titulaire d’un droit d’agir en justice, par l’extinction de ce droit.

Ce délai de prescription peut être suspendu et interrompu :

En cas de suspension, le délai de prescription déjà écoulé s’arrête temporairement mais ne s’efface pas. Ainsi, une fois la période de suspension terminée le délai de prescription reprend là où il s’était arrêté.

En cas d’interruption, le délai de prescription acquis (déjà écoulé) est effacé. De ce fait, un nouveau délai de prescription de même durée que l’ancien se met à courir.

Le délai de forclusion, quant à lui, est un délai prévu par la loi d’une durée simple et limitée pour une action particulière. Autrement dit, si le titulaire du droit d’agir n’effectue aucune action en justice dans le délai indiqué, il est forclos et se voit opposé une fin de non-recevoir.

À la différence du délai de prescription, le délai de forclusion ne peut pas être suspendu. Cependant, il peut également être interrompu.

Il existait un débat jurisprudentiel entre la première chambre civile, la troisième chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation, sur la nature du délai pour agir sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par plusieurs arrêts en date du 21 juillet 2023, la Cour de cassation réunit en chambre mixte a mis un terme à cette divergence d’interprétation. La Haute juridiction a ainsi affirmé que le délai biennal prévu à l’article 1648 du Code civil est un délai de prescription (Cour de cassation, Chambre mixe, 21 juillet 2023, n°20-10.763, n°21-15.809, n°21-17.789 et n°21-19.936).

La garantie des vices cachés soumise à un délai de prescription

En conséquence, le délai de deux ans pour agir en garantie des vices cachés peut être suspendu et interrompu. 

Le délai pour agir en garantie des vices cachés peut être interrompu par une assignation en référé expertise.

Concrètement, le Code civil dispose : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

Toutefois, en cas d’assignation en référé-expertise, le délai pour agir n’est interrompu que pendant la durée de l’instance. L’interruption du délai cesse au jour où l’ordonnance de référé expertise est rendue.

Une fois la mesure d’expertise ordonnée par le juge, un nouveau délai de deux ans commence à courir pour saisir la juridiction au fond. Ce n’est qu’à l’occasion de cette dernière étape que le juge tranchera le litige, et décidera d’engager ou non la responsabilité du vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Toutefois, depuis l’évolution jurisprudentielle du 21 juillet 2023, ce délai biennal peut être suspendu durant la totalité de la durée de la mesure d’expertise. Le Code civil énonce précisément que « La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ».

Autrement dit, lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d’expertise présentée avant tout procès, le délai ne recommence à courir qu’à compter du jour où la mesure a été exécutée, en pratique, le jour de la remise du rapport de l’expert.

En pratique, comment le délai de prescription est-il interrompu puis suspendu ?

À titre d’illustration, en cas de découverte de la présence d’infiltrations d’eau le 14 février 2022, vous pouvez saisir le tribunal d’une demande d’expertise judiciaire jusqu’au 14 février 2024.

Si le juge fait droit à votre demande et qu’il rend une ordonnance nommant un expert le 1er avril 2024, le nouveau délai de deux ans ne commencera à courir qu’à compter du jour où l’expert judiciaire rendra son rapport d’expertise définitif.

Ainsi, si l’expert judiciaire rend son rapport d’expertise définitif le 10 juillet 2024 alors l’acquéreur aura jusqu’au 10 juillet 2026 pour assigner le vendeur au fond.

Attention, si ces délais ne sont pas respectés l’action est dite prescrite et l’acquéreur ne pourra plus faire valoir ses droits.

Vous l’aurez compris, l’action en garantie des vices cachés est soumise à des conditions procédurales très strictes dont il convient de maîtriser les tenants et aboutissants.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Amélie DOUTERLUINGNE

Avocate collaboratrice Cabinet LBA AVOCATS

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