Accéder au contenu principal

CCMI et retard : peut-on demander plus que les pénalités légales de 1/3000e du prix de vente ?

Faire construire sa maison est souvent un projet de vie. Pour le sécuriser, le maître d’ouvrage signe un Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI), encadré par la loi.

Ce contrat prévoit notamment une date de livraison, qui conditionne bien souvent un déménagement, la fin d’un bail, ou la revente d’un précédent logement.

Mais que se passe-t-il lorsque le chantier prend du retard ?

Le constructeur est alors tenu de verser des pénalités : au minimum 1/3 000e du prix convenu par jour de retard. Ces pénalités sont automatiques, et prévues par la loi et dans le contrat.

Toutefois, dans certains cas, cette somme ne suffit pas à réparer l’ensemble des préjudices subis.

Dans ce cas, le maître d’ouvrage peut demander une indemnisation complémentaire, fondée sur un préjudice distinct.

Les pénalités de retard en cas de non-respect des délais

Les pénalités ont pour objet de sanctionner le non-respect du délai prévu dans le contrat. Elles commencent à courir à compter de la date de livraison initialement convenue.  

Le Code de la construction et de l’habitation impose l’insertion certaines clauses dans le CCMI notamment :

  • La date d’ouverture du chantier
  • Le délai d’exécution des travaux
  • Les pénalités prévues en cas de retard de livraison

Le montant de ces pénalités de retard ne peut pas être inférieur à 1/3 000e du prix d’acquisition par jour de retard.

Il s’agit d’un minimum légal : le juge ne peut accorder une indemnisation inférieure, mais rien n’empêche les parties de prévoir un montant plus élevé.

Les pénalités cessent d’être dues dès la livraison effective de l’ouvrage.

Les causes exonératoires pour que le constructeur échappe aux pénalités 

Deux principaux cas permettent au constructeur d’être dispensé du paiement des pénalités :

  • Les intempéries dûment constatées, qui rendent les travaux impossibles
  • La force majeure ou cas fortuit, à condition que la cause du retard soit imprévisible et irrésistible

Dans ces situations, le délai contractuel peut être prolongé du nombre de jours d’impossibilité avéré.

Pénalités de retard et préjudice distinct : quelle différence ?

Les pénalités de retard sont une compensation forfaitaire et automatique : elles visent uniquement à réparer le retard d’exécution.

Le préjudice distinct, quant à lui, vise à réparer des conséquences spécifiques, prouvées et individualisées du retard. Il peut donner lieu à une indemnisation complémentaire.

La jurisprudence a longtemps estimé que les pénalités de retard suffisaient à réparer l’intégralité du préjudice du maître d’ouvrage (Civ, 3, 22 juin 2005 n°04-12.674).

Cependant, la Cour de cassation reconnait désormais la possibilité de cumuler les pénalités de retard avec des dommages-intérêts complémentaires (Civ. 3e, 28 mars 2007 n°06-11.313)

Les préjudices distincts qui peuvent donner lieu à une indemnisation complémentaire sont nombreux, parmi lesquels il existe :

  • Le préjudice de jouissance (privation de la maison)
  • Le préjudice moral
  • Les frais de garde meuble et déménagement
  • Les taxes et assurances d’habitation
  • Les honoraires du chargé d’affaires

Les conditions pour cumuler les pénalités et le préjudice distinct

Dans un arrêt du 5 janvier 2022 n°20-21.208, la Cour de cassation rappelle que les préjudices financiers, les préjudices de jouissance et les préjudices moraux peuvent être distincts de ceux couverts par les pénalités de retard.

La reconnaissance d’un préjudice distinct est soumise à deux conditions cumulatives :

  1. Les dommages-intérêts demandés doivent être distincts des pénalités
  2. Ils ne doivent pas être déjà réparés par lesdites pénalités

Il revient toutefois au maître d’ouvrage d’établir un préjudice distinct de celui réparé par les pénalités de retard.

Il est impératif de :

  • Détailler chaque poste de préjudice (ex : 3 mois de loyer à 900€/mois)
  • Justifier chaque poste (bail, quittance, attestations, frais bancaires…)
  • Éviter les demandes globales ou forfaitaires

Les juges du fond disposent d'une appréciation souveraine quant à la réalité du préjudice et son éventuelle réparation par les pénalités. Ils doivent veiller à ne pas indemniser deux fois le même dommage.

La procédure à suivre pour le maître d’ouvrage :

  1. Constater le dépassement du délai contractuel

Le maître d’ouvrage doit d’abord vérifier si le délai de livraison a bien été dépassé.

Attention : de nombreux CCMI prévoient un délai de grâce, durant lequel les pénalités ne s’appliquent pas encore. Ce délai doit être respecté avant d’entamer toute procédure.

Pour que le retard soit reconnu, il est indispensable d’en apporter la preuve. Cela peut inclure :

  • Des photographies du chantier à différentes étapes ;
  • Des rapports de visite ou comptes rendus ;
  • Tout échange écrit avec le constructeur
  1. Envoyer une réclamation au constructeur

Une fois le retard constaté, il est recommandé d’adresser une réclamation formelle au constructeur pour exiger le paiement des pénalités. Cette réclamation doit comporter :

  • La référence du contrat
  • La date de livraison contractuelle
  • Les éléments prouvant le dépassement
  • Le montant des pénalités de retard

L’objectif est de voir si le constructeur propose une issue amiable sérieuse.

  1. Engager des démarches amiables par Avocat

Une démarche pré-contentieuse par Avocat peut être opportune aux fins de mettre en demeure le constructeur de verser les pénalités et indemnisation liées au retard.

L'avantage de la démarche par Avocat est que si un Avocat intervient pour le constructeur, des échanges confidentiels entre Avocats pourront avoir lieu, ce qui permettra d'ouvrir les discussions.

  1. Engager une action judiciaire

Si le constructeur persiste à ne pas indemniser justement le retard, une action en justice peut être envisagée.

Dans ce cas, il est recommandé de se faire assister par un avocat en droit immobilier et de la construction.

L'Avocat sollicitera naturellement que les frais de procédure soient à la charge du constructeur.

Comment éviter les retards de livraison en CCMI ?

Bien que le respect des délais de livraison dépende en grande partie de la qualité du constructeur, plusieurs précautions peuvent être prises dès la phase de préparation du projet pour limiter les risques de retard :

  • Choisir un constructeur fiable : avant de signer un CCMI, il est essentiel de vérifier les antécédents de l’entreprise (expérience, réalisation récente, stabilité financière)
  • Suivi du chantier : le futur propriétaire peut visiter le chantier avant chaque appel de fond afin de vérifier le travail réalisé (d’autres visites peuvent être autorisées si elles sont prévues au contrat)
  • Consulter un professionnel du droit : avant la signature du contrat, il est conseiller de consulter un avocat ou un juriste pour s’assurer de la clarté des clauses relatives aux délais de livraison et aux pénalités de retard.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Manon MARCHAND, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT    

  • Dernière mise à jour le .