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Courrier recommandé : la « fausse bonne idée » consistant à ne pas retirer le recommandé

La lettre recommandée avec avis de réception ou lettre recommandée avec accusé de réception (ci après « LRAR ») est un courrier adressé au destinataire avec preuve de sa bonne réception matérialisée par la signature de l’accusé de réception par le destinataire du courrier.

L’utilisation de ce mode d’envoi du courrier a toute son importance car ce mode d’envoi présente un certain nombre de garanties en ce qu’il va permettre de disposer d’une preuve d’envoi ainsi que d’une preuve de réception.

L’envoi d’une LRAR peut par ailleurs avoir de nombreuses incidences juridiques notamment parce que la date dudit courrier fera foi mais également parce qu’il va permettre d’établir la preuve de ce qu’à une date certaine, le destinataire s'est vu notifier ce courrier.

Nombreux sont également les cas où, en droit, les dates d'expédition, de première présentation, de réception ou même de refus éventuel par le destinataire pourront faire courir des délais (de prescription, de recours etc).

Mais, que se passe-t-il si je décide de ne pas aller retirer une LRAR qui m’est adressée ?

Est-ce une bonne idée de ne pas aller chercher ce courrier au bureau de Poste dans le délai de 15 jours ? Qu’en est-il si je refuse la LRAR ?

 

La notification de la décision même si la lettre recommandée avec accusé de réception n’est pas retirée

 

Il convient de retenir le principe suivant lequel le fait, pour le destinataire d’un pli adressé en recommandé, de ne pas le retirer, n’empêchera pas de considérer que le courrier a été régulièrement notifié.

En effet, la jurisprudence administrative a déjà eu l’occasion de préciser que : « doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier, et qui porte, sur l'enveloppe ou sur l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis » (Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 24 avril 2012, 341146).

Cette jurisprudence est constante. A titre d'illustration, dans une affaire portant sur la notification d’une décision relative au permis de conduire, il a été jugé que : « (…) Considérant, d'autre part, (...) une décision récapitulant l'ensemble des retraits de points litigieux a été notifiée le 5 avril 2013 à l'adresse " M. A...B...- 88320 Martigny-les-Bains " ; que cette adresse était mentionnée sur la carte nationale d'identité de l'intéressé ainsi que sur le livret spécial de circulation de circulation qui lui avait délivré en application de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1969 mentionnée ci-dessus ; que son permis de conduire mentionnait les références du livret de circulation ; que l'adresse figurait sur un relevé d'information intégral relatif à son permis de conduire édité le 5 juillet 2013 ; que le pli recommandé contenant la décision a été renvoyé à l'administration revêtu de la mention " avisé, non réclamé " et non de la mention " inconnu à l'adresse indiquée " ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la notification a été faite à une adresse déclarée à l'administration et à laquelle l'intéressé était en mesure de recevoir son courrier ; que dans ces conditions, la notification doit être regardée comme régulière (…) » (CE, 5ème - 4ème chambres réunies, 31 mars 2017, 389769).

Le juge judiciaire tire bien souvent les mêmes conclusions qui sont celles de la régularité de la notification par une LRAR qui n’a pas été retirée.

A titre d’illustration, il a été jugé que la responsabilité du notaire ne saurait être engagée pour absence de notification du compromis de vente dès lors que, régulièrement avisé de la notification de l'acte par LRAR, l'acquéreur s'est abstenu d'aller retirer la lettre recommandée à la poste (Cass. Civ. 1re, 14 févr. 2018, F-P+B, no 17-10.514).

 

L’impossibilité de se prévaloir de sa seule carence pour échapper aux délais dont la notification était le point de départ

 

Afin d'éviter que la mauvaise foi du destinataire qui ne retire pas ou refuse un recommandé ne soit une "cause de blocage" de la procédure, la Cour de cassation a décidé que le refus ou le non-retrait de la lettre contenant l'acte à notifier ne pouvait affecter la validité de la notification à partir du moment où le destinataire n'allègue ni irrégularité dans l'accomplissement des formalités de notification, ni erreur dans la souscription de son adresse postale, ni circonstance l'ayant empêché de retirer le pli qui lui était destiné.

En clair, le destinataire ne pourra tirer argument de sa seule carence pour prétendre échapper aux délais dont la notification était le point de départ (Cass. Soc. 30 nov. 1972, no 71-13.401).

A titre d’illustration, il a été jugé que : « Considérant que la [société] est seule responsable du non retrait du courrier recommandé et par voie de conséquence de son retour à l'expéditeur de sorte qu'elle est mal fondée à soutenir qu'elle a été mise dans l'impossibilité de faire assister par un conseil, que la Chartre des droits et obligations du contribuable vérifié ne lui a pas été adressée » (Cour d'appel de de Paris - ch. 01 B, 7 avril 2006 / n° 02/07791).

En résumé, il n’est pas conseillé de refuser ou de ne pas aller retirer une LRAR car en cas de procédure judiciaire, le Juge pourra en tirer toutes les conséquences et notamment considérer que la notification a bien été régulièrement effectuée.

Les conséquences pourront donc être fâcheuses et pénalisantes pour le destinataire qui ne pourra ensuite se prévaloir de sa propre carence.

A noter que dans certaines matières, des dispositions spécifiques règlent de manière différente les effets d’une LRAR.

En tout état de cause, les effets d’une lettre adressée par courrier recommandé avec accusé de réception peuvent être très importants et il convient de ne pas prendre à la légère ce mode d’envoi.

L'utilité de l'envoi d'une lettre recommandée

Une lettre recommandée avec accusé de réception peut être fondamentale afin de faire valoir vos droits et de justifier d'une notification effectuée dans les délais.

A titre d'illustration, en matière de construction, l'entrepreneur est tenu à la garantie de parfait achèvement ("GPA") pendant un délai d'un an, à compter de la réception de l'ouvrage.

Lorsque le désordre apparaît après la réception, le maître de l'ouvrage doit le signaler à l'entrepreneur par voie de notification écrite avant l'expiration du délai d'un an (et l'entrepreneur devra procéder à la réparation des désordres) et cela se fait en pratique par lettre recommandée avec accusé de réception.

La lettre recommandée avec accusé de réception permet par ailleurs et surtout de prouver de la réalité de votre envoi. Un courrier simple pourra toujours être contesté en Justice par la partie adverse de mauvaise foi qui peut prétendre ne l'avoir jamais reçu ...

Avec un envoi de courrier recommandé avec accusé de réception, vous pouvez justifier votre démarche, votre réclamation amiable avant saisine du tribunal.

Par exemple, les retards en matière de livraison de VEFA (achat sur plan) sont malheureusement fréquents et il est recommandé d'écrire au promoteur afin de solliciter les justificatifs desdits retards. En cas d'absence de légitimité du retard, il ne faut pas hésiter à solliciter une indemnisation par courrier recommandé avec accusé de réception.

Le promoteur ne pourra pas contesté avoir reçu une réclamation de votre part et, s'il le fait, il pourra être vu comme étant de mauvaise foi ...

Je suis à votre disposition pour réagir aux courriers recommandés qui vous sont adressés ou pour rédiger des courriers recommandés que vous devez adresser pour faire valoir ou notifier vos droits. Vous pouvez me contacter.

Article rédigé par Maître Louise BARGIBANT

Cabinet LBA Avocat

 

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